Le gouvernement russe s’est lancé depuis ces dernières années dans une campagne de restriction de l'accès à certains sites Web répertoriés sur une liste noire auxquels tout accès est interdit à partir du pays. Pour s’assurer que l’accès à ces sites Web est complètement interdit, les autorités russes ont ordonné à dix grands fournisseurs de VPN, dont NordVPN, ExpressVPN, TorGuard, IPVanish, VPN Unlimited, VyprVPN, Kaspersky Secure Connection, HideMyAss, Hola VPN et OpenVPN, de commencer à bloquer les sites présents sur la liste noire nationale.
Roskomnadzor, le Service exécutif fédéral de supervision des communications, des technologies de l'information et des médias de masse, a déclaré avoir envoyé des notifications de conformité à ces 10 services VPN majeurs qui ont des serveurs en Russie, de bien vouloir se connecter à « la lise noire Internet » connue localement sous le nom de FGIS. « Conformément à l'alinéa 5 de l'article 15.8 de la loi fédérale n° 149-FZ du 27.07.2006 sur l'information, les technologies de l'information et la protection des données, nous vous informons de la nécessité de vous connecter au système informatique de l'Etat fédéral des sources et réseaux bloqués [FGIS] dans les trente jours ouvrables suivant la réception [du présent avis] », disait la notification envoyée aux fournisseurs.
En effet, au cours des dernières années, la Russie a poursuivi sa mission de restreindre l'accès au contenu que l'État juge inacceptable. De nombreux types de sites, qu'il s'agisse de prétendues plateformes pirates ou de sites hébergeant des contenus extrémistes, ont tous été touchés. Les Fournisseurs d’accès à Internet locaux sont tenus par la loi de bloquer leurs domaines, ce qui les rend inaccessibles en local. Toutefois, il existe de nombreuses options de contournement, ce à quoi le gouvernement tente de remédier.
C’est ainsi qu’en juillet 2017, le président Vladimir Poutine a signé un projet de loi visant à combler cette lacune. Le plan était d'empêcher les citoyens d'accéder à des sites interdits en utilisant les VPNs, les proxies, Tor, et d'autres services anonymes. Selon le projet de loi, s'il s'avérait que ces services continuaient à permettre l’accès aux plateformes interdites, ils pourraient eux aussi se retrouver sur la « liste noire Internet » de la Russie.
L'agence gouvernementale Roskomnadzor exige que les services concernés commencent à s'interfacer avec la base de données du FGIS, bloquant ainsi les sites qui y sont répertoriés. Selon TorrentFreak, plusieurs autres entreprises locales, dont le géant de la recherche Yandex, Sputnik, Mail.ru et Rambler sont déjà connectées à la base de données et filtrent le contenu au besoin.
La Russie a durci le ton sur Internet depuis un certain moment. A l’image de la Chine qui prône un modèle d’Internet basé sur une approche restrictive et autoritaire, on a appris plus tôt ce mois que la Russie voulait son propre Internet, ce qui se concrétiserait par un projet de loi baptisé « ;Internet Souverain ;», qui permettrait à Moscou de se doter d’un poste de commandement unique à partir duquel les autorités pourraient gérer les flux d’informations dans le cyberespace russe (alias Runet), cela inclut la surveillance, la limitation ou le blocage de ces flux sur toute ou partie de l’étendue du cyberespace russe.
Des milliers de personnes ont protesté contre le projet de loi sur la restriction d'accès à Internet qui vise à couper le pays du reste du monde, mais cala n’a pas empêché le président russe Vladimir Poutine de signer la semaine dernière un ensemble de projets de loi controversés qui criminalisent le mépris de l'État et la diffusion en ligne de fausses informations. Avec cette nouvelle législation, la Russie, qui n’a jamais vraiment pas été une démocratie libérale, possède désormais des outils plus directs pour censurer le discours en ligne.
En revenant à l’actualité, bien avant l'entrée en vigueur de la nouvelle législation contraignante pour les services VPN, certains fournisseurs VPN avaient déjà fait le choix de se retirer de la Russie, l'accès privé à Internet ayant été supprimé en 2016 pour des raisons non liées. Cependant, d'autres y ont continué leurs activités, toutefois, ce ne sera pas pour longtemps pour ceux qui ne voudront pas se soumettre à la censure russe, les autorités étant en train de resserrer le nœud coulant.
TorGuard, l’un des fournisseurs de VPN qui ont reçu la notification de Roskomnadzor, a retiré ses services de la Russie avec effet immédiat. L’avis reçu par TorGuard révèle que le fournisseur a effectivement reçu un peu moins d'un mois pour se conformer à la loi, selon TorrentFreak. L'avis détaille également les conséquences de ne pas le faire, c'est-à-dire d'être placé sur la liste noire avec le reste des sites interdits, de sorte qu'il ne peut plus continuer ses services en Russie. Toutefois, TorGuard n’a pas voulu fonctionner dans ces conditions et a donc déjà quitté le pays de son propre chef.
« Au moment d'écrire ces lignes, TorGuard a pris des mesures pour supprimer toute présence de serveur physique en Russie. Nous avons nettoyé tous les serveurs de nos sites de Saint-Pétersbourg et de Moscou et nous ne ferons plus affaire avec les centres de données de la région », a déclaré la société dans un communiqué. « Nous tenons à préciser que ce retrait des serveurs est une décision volontaire de la direction de TorGuard et qu'aucune saisie d'équipement n'a eu lieu », a ajouté la société.
En plus de l’injonction de se connecter au système informatique de l'Etat fédéral des sources et réseaux interdits afin de bloquer les sites Web indésirables, la notification de Roscomnadzor adressée à TorGuard et aux autres services VPN exige également qu'ils transmettent des informations aux autorités, y compris les coordonnées de leurs opérateurs et de leurs établissements. L'avis lui-même indique, en ce qui concerne les entités étrangères, que les autorités russes exigent le nom complet de l'entité, le pays d’origine, le numéro d'identification fiscale et/ou le numéro de registre du commerce, les coordonnées postales et l'adresse électronique, et bien d’autres informations.
Selon TorrentFreak, la notification de Roscomnadzor fournie par TorGuard ne fait aucune demande d'accès aux données des clients VPN. Cependant, étant donné les politiques de confidentialité de TorGuard, cela devrait déjà être un point discutable. En effet, TorGuard ne conserve pas de données client. « Nous ne conservons aucun journal, de sorte que même si les serveurs étaient compromis, il serait impossible d'exposer les données des clients », a dit le fournisseur.
La même situation devrait également s'appliquer à plusieurs autres fournisseurs de VPN contactés par les autorités russes, d’après TorrentFreak. NordVPN, ExpressVPN, TorGuard et VyprVPN, par exemple, ont tous déclaré dans le rapport annuel 2019 de TorrentFreak qu'ils ne conservent aucun journal.
Il est encore trop tôt pour savoir lesquelles des entreprises vont se conformer à la loi russe pour continuer leurs activités dans le pays. Le temps nous situera sur celles qui vont choisir de bloquer la liste des sites Web interdits et celles qui quitteront complètement la région.
Source : TorrentFreak
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Pensez-vous qu’avec ces différentes lois qui sont en train d’être adoptées, la Russie ira jusqu’à la surveillance de masse comme en Chine ?
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Le , par Stan Adkens
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