Plus tôt cette année, Carrie Lam, cheffe de l'exécutif de la Région administrative de Hong Kong, qui est proche du gouvernement de Pékin, a tenté de faire adopter de force un projet de loi qui aurait permis à la Chine d'extrader des criminels présumés à Hong Kong pour les juger en Chine continentale. Ce qui permettrait au Parti communiste chinois de s'emparer des dissidents politiques et mettrait effectivement fin à la tradition d'un système judiciaire libre et indépendant à Hong Kong.
Les Hongkongais furieux, voyant cette décision comme une tentative des dirigeants chinois d'exercer un plus grand contrôle sur Hong Kong, n’arrêtent pas de descendre dans la rue depuis plus de deux mois. Depuis lors, le pays est en proie à de violentes manifestations qui opposent les forces de l’ordre à des manifestants prodémocratiques. Face à une opposition quasi universelle, le gouvernement a annoncé que le projet de loi serait suspendu, mais qu'il ne serait pas entièrement abandonné. Le fait que la législation pourrait être renouvelée dès lors que la colère s'apaisera, combiné à des incidents de brutalité policière contre des manifestants pacifiques, a incité des centaines de milliers de résidents de Hong Kong à continuer à protester chaque week-end depuis douze semaines.
Cependant, la répression des manifestations de Hong Kong ne se fait pas seulement dans les rues. Le gouvernement de Hong Kong, sous l’impulsion des autorités chinoises, surveille également les communications en ligne afin de contrôler les manifestations. Mais la répression et la censure que la Chine exerce sur ses principaux territoires rencontre plus de difficultés à être mises en œuvre à Hong Kong, où le trafic Internet n'est pas forcé de passer à travers l'énorme pare-feu de censure de la Chine, a rapporté le blog Internet Techdirt vendredi dernier.
En effet, lorsque des rapports ont commencé à circuler selon lesquels la Chine envisageait de censurer l'accès à certains sites Web et services, la Hong Kong Internet Service Providers Association (HKISPA) a publié une déclaration dans laquelle elle s’est opposée à la décision. L'une des principales préoccupations des fournisseurs d’accès à Internet était le fait que l'utilisation du chiffrement et des réseaux privés virtuels rend ces efforts en grande partie inutiles. Dans une déclaration publiée par l’association mercredi dernier sur son site Web, on peut lire :
« L'HKISPA tient donc à faire cette déclaration urgente.
« Techniquement parlant, étant donné la complexité de l'Internet moderne, y compris les technologies comme le VPN, le cloud et les cryptographies, il est impossible de bloquer efficacement et de manière significative tout service, à moins de mettre tout l'Internet de Hong Kong derrière un pare-feu de surveillance à grande échelle ».
Les FAI n'ont pas l’intention de laisser prospérer cette tentative de blocus Internet de Hong Kong par rapport au reste du monde par les autorités hongkongaises sous la houlette du gouvernement central chinois, qui ne sait pas fondamentalement comment gouverner efficacement une population libre et pensante. Dans sa déclaration, l'HKISPA a dit qu’en cherchant à étouffer la dissidence dans une ville déjà ordonnée et prospère par la censure de l’Internet, les autorités ne feraient qu'étouffer l'industrie dans cette ville :
« HKISPA tient à mettre en garde contre le fait que l'imposition de restrictions insensées sur l'Internet ouvert n'entraînerait que des restrictions supplémentaires, car les restrictions initiales ne seraient pas efficaces, ce qui aurait pour effet de placer l'Internet de Hong Kong derrière un grand pare-feu. Par conséquent, de telles restrictions, aussi légères soient-elles à l'origine, marqueraient le début de la fin de l'Internet ouvert de Hong Kong et dissuaderaient immédiatement et de manière permanente les entreprises internationales de présenter leurs activités et investissements à Hong Kong », peut-on lire dans la déclaration.
Pékin a cherché à exercer un contrôle toujours plus grand sur l'environnement de l'information. Les médias en République populaire n'ont jamais été libres, mais au cours de la dernière décennie, la censure de plus en plus stricte des médias, combinée à des filtres Internet innovants et radicaux, a rendu l'accès aux informations non autorisées beaucoup plus difficile pour les Chinois du continent. Comme les applications de messagerie et les médias sociaux sont devenus le principal moyen de communication et de mobilisation des manifestants, le gouvernement chinois a mis au point de nouvelles techniques pour intercepter les messages avant même qu'ils ne soient envoyés, ce qui nuit à la capacité d'organisation des activistes potentiels.
Telegram est largement utilisé pour aider à coordonner les manifestations en cours à Hong Kong. En conséquence, selon Techdirt, l'entreprise a été confrontée à des attaques DDOS massives qui sont probablement lancées par le gouvernement chinois. Toutefois, les FAI de Hong Kong ont également dit qu'ils refuseront toute demande du gouvernement de censurer la plateforme. Voici ce que l’association a dit à ce propos :
« Les FAI de Hong Kong sont tous respectueux de la loi, mais ils ne peuvent pas contourner les contraintes techniques et financières de l'entreprise, ce qui peut rendre difficile la mise en œuvre de décrets d'application visant à imposer des restrictions de réseau. Nous demandons que le gouvernement consulte l'industrie pour résoudre ces contraintes et qu'il consulte la société dans son ensemble avant d'imposer de telles restrictions.
« Il convient de noter que de telles restrictions, qui coûteraient à la société d'énormes opportunités d'affaires et des coûts sociaux, ne décourageraient ni n'empêcheraient les utilisateurs déterminés d'accéder aux services qu'ils souhaitent. Ils peuvent toujours accéder à ces services via de nombreux services VPN disponibles sur Internet, jusqu'à ce que nous mettions enfin tout Hong Kong derrière un pare-feu de surveillance à grande échelle ».
Les manifestants hongkongais trouvent les alternatives contre la répression des médias sociaux comme moyen de communication
Selon un rapport de BBC publié mardi, les manifestants ont trouvé le moyen de communiquer en contournant Internet. Ils ont, pour cela, recours en grande partie à l’application de messagerie nommée Bridgefy qui utilise le Bluetooth et le réseau maillé pour faciliter l’échange de messages entre utilisateurs. Pour rappel, le réseau maillé est un réseau dans lequel les hôtes sont connectés pair-à-pair sans hiérarchie centrale.
Avec l’application Bridgefy, les utilisateurs envoient leurs messages par Bluetooth à leurs correspondants. Ainsi même si vous ne disposez pas de connexion Internet et de crédits de communication, il vous est quand même possible de communiquer par message avec vos correspondants. Bien que la portée de la norme Bluetooth soit limitée, les développeurs de Bridgefy avancent qu’il est possible d’envoyer des messages à des personnes qui se trouvent dans un espace de 100 mètres autour du point d’envoi et même au-delà.
En effet, le message envoyé par l’utilisateur parcourt le réseau en passant par les utilisateurs les plus proches jusqu’à atteindre le correspondant désiré. Avec Bridgefy, il est possible de discuter en privé avec des personnes dans votre liste de contacts ou simplement avec des personnes à proximité même si elles ne font pas partie de vos contacts, et cela, en utilisant le mode Broadcast.
L’utilisation de Bridgefy est un grand soulagement pour les manifestants hongkongais qui ne souhaitent pas utiliser l’application mobile WeChat surveillée par le gouvernement chinois. NPR a rapporté à la fin du mois dernier que la Chine exporte dorénavant ses méthodes de surveillance et de censure dans le reste du monde, notamment aux États-Unis en interceptant des textes de WeChat provenant des de l'étranger. En effet, chaque jour, des millions de conversations WeChat tenues en Chine et à l'étranger sont signalées, collectées et stockées dans une base de données connectée aux agences de sécurité publique en Chine, selon le chercheur en sécurité.
Le problème avec l’application Bridgefy est que sa portée n’est pas internationale. De plus, si le gouvernement communiste au pouvoir en Chine parvient à imposer l’interdiction des réseaux sociaux comme Facebook ainsi que l’interdiction de l'usage non autorisé des réseaux privés virtuels (VPN) à Hong Kong comme il l’a fait en 2017 en Chine continental, la tâche pourrait davantage devenir difficile pour les manifestants.
Sources : HKISPA
Et vous ?
Qu’en pensez-vous ?
Pensez-vous que ce refus des FAI tiendra longtemps si le gouvernement leur demande de bloquer des sites Web ?
Pensez-vous que la Chine a l’intention de placer Hong Kong derrière le grand pare-feu ? Parviendra-t-elle à le faire ?
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Les Fournisseurs d'accès à Internet de Hong Kong refusent d'aider la Chine à censurer Internet,
Car « de telles restrictions marqueraient le début de la fin de l'Internet ouvert de Hong Kong »
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Car « de telles restrictions marqueraient le début de la fin de l'Internet ouvert de Hong Kong »
Le , par Stan Adkens
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