Alors que Hong Kong connaît actuellement des affrontements dangereux entre les manifestants pro démocratie et la police, qui attaque de plus en plus violemment non seulement les protestataires, mais aussi d’autres citoyens innocents, Apple a interdit une application qui permet aux habitants de suivre les manifestations et les activités de la police, affirmant que de telles informations sont illégales.
L’application HKmap Live est une carte basée sur la foule qui s'intègre avec Telegram et utilise des émojis pour aider les gens à suivre et éviter les zones où les manifestants, la police et la circulation sont présents. Il indique également des zones où il y a des gaz lacrymogènes, des arrestations massives de personnes, etc.
Le géant américain de la technologie a déclaré mardi aux créateurs de HKmap Live avant de retirer son tweet : « Votre application contient du contenu - ou facilite, active et encourage une activité - qui n'est pas légale... Plus précisément, l'application permet aux utilisateurs d'échapper à la loi ».
Cependant, le seul but de HKmap Live est de suivre l'activité policière dans les rues de Hong Kong et « pas d’aider les gens à naviguer vers d'autres endroits ». L'application est largement utilisée par les résidents de Hong Kong qui souhaitent éviter de s'égarer par inadvertance dans des situations violentes.
Les créateurs et bien d'autres personnes se sont opposés à l’argument utilisé par Apple pour interdire l’application de son magasin en ligne, en soulignant que l'application ne permet aux gens que de noter les emplacements - comme le font des milliers d'autres applications. Selon eux, suivant la logique d’Apple, les applications telles que l’application open source Waze (qui combine les informations issues des terminaux de différents utilisateurs pour cartographier une région et permettre, entre autres, d’identifier les points de contrôle de police) devraient également être interdites.
« Après les tirs du gaz lacrymogène, le policier est immédiatement retourné au poste de police » ; « Quatre feux clignotants garés à la porte du poste de police », sont quelques messages que l’on pouvait lire dans l’application après la décision d’Apple, et sont clairement destinés à ne fournir que des renseignements continus sur les mouvements policiers et rien d’autre. Un autre message se contente de dire : « Emeute ». L’application permet aux utilisateurs de voir d'un coup d'œil où l'activité policière est concentrée grâce à la combinaison des messages et des positions GPS précises.
Une loi Hong Kongaise oblige la police de brandir un drapeau bleu à l'endroit où elle souhaite déclarer qu'une réunion illégale a lieu, comme préavis pour que les citoyens s’éloignent de la zone avant que des mesures policières ne soient prises. L'application HKmap Live adopte simplement cette approche officielle et l'étend aux citoyens, leur permettant d'informer les autres des mesures qui seront prises à des endroits précis.
Il n’est pas clair si Apple a fait cette analyse pour déclarer l'application illégale ou si le géant de la technologie s’est basé sur les lois américaines pour le faire. Apple n’a pas non plus dit s’il a pris la décision d'interdire l'application en réponse à une demande des autorités chinoises, mais la firme a montré dans le passé une volonté remarquable de se plier à la volonté des autorités chinoises. En 2017, Tim Cook, a déclaré que son entreprise « ne préfère pas » retirer les applications de son magasin, mais doit se conformer à la loi en Chine. Ses commentaires qui sont venus après qu'il a été révélé qu'Apple a supprimé un certain nombre d'applications de réseau privé virtuel, suite à l’interdiction des VPN non autorisés en Chine.
Quoi qu'il en soit, l'interdiction de HKmap Live n’est pas vue de bon œil par de nombreuses personnes, étant donné le contexte des événements à Hong Kong, en particulier la récente fusillade d'un manifestant à bout portant avec des balles réelles par un policier.
Apple a toujours fait de la défense des droits des citoyens un différentiateur clé de sa technologie
Suite à l’attentat de San Bernardino, Apple a déclaré avoir été sous le choc à cause des événements tragiques qui ont eu lieu. Cependant, l’entreprise a refusé de se plier à l'injonction du tribunal qui l'obligeait à aider le FBI à déverrouiller l’iPhone du suspect dans le cadre de son enquête. Dans une lettre signée par le PDG d'Apple, Tim Cook, Apple a manifesté son mécontentement face à la décision de justice qui l'oblige à aider le FBI à avoir accès au fichier d'un de ses dispositifs. « Le gouvernement des États-Unis a demandé à Apple de prendre une mesure sans précédent qui va menacer la sécurité de nos clients. Nous nous opposons à cette injonction, qui a des implications qui vont bien au-delà du cas d'espèce ».
Apple a fait de la défense des droits des citoyens un différentiateur clé de sa technologie et s'est présenté comme une entreprise qui résistera aux demandes déraisonnables des autorités qui souhaitent utiliser sa technologie pour contourner les lois actuelles, du moins aux États-Unis. Mais la firme a pourtant choisi de bannir l'application HKmap Live d’Apple Store sans en discuter avec les développeurs, en donnant une explication très limitée de la raison de sa décision, une façon pour elle d'éviter la colère de la Chine. Ce qui a suscité le mécontentement chez plusieurs personnes.
Mais les développeurs pensent que le problème pourrait être résolu et que leur application pourrait de nouveau être sur Apple Store. « Cela reçoit beaucoup plus de feedback que je ne le pensais. Pour être clair, je continue de croire qu'il s'agit davantage d'une bureaucratie que d'une censure. Tout peut être utilisé à des fins illégales sur la mauvaise main. Notre application est pour info, et nous n'encourageons pas les activités illégales », a déclaré l'un d'entre eux sur Twitter.
Apple interdit l’application qui pourrait rendre la vie des citoyens de Hong Kong plus sûre dans une situation de crise qui devient de plus en plus préoccupante
La situation à Hong Kong devient de plus en plus préoccupante alors que nous sommes dans le cinquième mois de la protestation. Ni les manifestants ni les le gouvernement chinois ne veulent reculer. Le gouvernement chinois, qui a jusqu'à présent veillé à ne pas intervenir militairement, de peur que le monde ne tourne le dos au pays, est toutefois déterminé à réprimer les troubles dans sa province semi-autonome, comme il l'avait fait après le massacre de la place Tiananmen en 1989.
Pendant ce temps, les manifestants, furieux de l'influence croissante de la Chine sur la province, ne veulent abandonner aucun point de leurs revendications. Avant de se retirer de la rue, ils veulent le retrait du projet de loi sur l'extradition, ce qui est déjà fait ; le retrait du leader législatif Carrie Lam, auquel Pékin est très résistant ; une enquête sur les brutalités policières ; la libération des personnes qui ont été arrêtées et des libertés démocratiques accrues, un point sensible sur lequel les autorités Hong Kongaises soutenues par la Chine ne veulent pas céder.
Apple n’est pour rien dans cette escalade des tensions à Hong Kong, mais sa décision d'interdire une application qui pourrait rendre la vie des citoyens de Hong Kong plus sûre et peut-être même soutenir les autorités en la qualifiant d'illégale met l'entreprise dans une position de parti pris.
« Apple présume que nos utilisateurs sont des contrevenants à la loi et, par conséquent, qu'ils se soustraient à l'application de la loi, ce qui n'est clairement pas le cas », se sont plaints les créateurs HKmap Live.
Pinboard, un site de bookmarking social, a déclaré dans un tweet : « Refuser aux habitants de Hong Kong l'un des rares outils qui les défendent contre l'agression policière est un acte si crapuleux que je ne peux même pas le formuler en quelques mots. Apple va-t-il se ranger du côté de "l'application de la loi" dans toutes les dictatures de la planète ? Est-ce que dorloter la Chine vaut tant que ça pour eux ? »
Il a jouté dans un autre tweet : « Au nom des techniciens américains, je tiens à m'excuser auprès des Hongkongais pour cette démonstration humiliante de notre plus grande société de technologie. Ce ne sont pas les valeurs américaines fondamentales que vous avez à l'esprit lorsque vous agitez notre drapeau lors de vos manifestations, et nous devons faire mieux ».
Mais la bonne nouvelle, c'est que le service HKmap Live est également disponible sur le Web et qu'il ne dépend donc pas d'une application iPhone et que les utilisateurs d'Apple à Hong Kong pourront toujours accéder au service tant qu'il restera en ligne.
En août dernier, Pinboard a rapporté dans un tweet que les agences de presse chinoises gérées par l'État achetaient des publicités et faisaient la promotion de tweets sur Twitter et Facebook pour présenter les manifestants de Hong Kong et leurs manifestations pro démocratie comme violents. Twitter a été critiqué à ce sujet.
Il n'est pas certain que la Chine finira par trouver un moyen d'accepter ces exigences et de désamorcer la tension ou qu'elle décidera d'essayer d'imposer sa volonté par la force. Entre-temps, les manifestations se poursuivent et il y a des affrontements quotidiens entre les manifestants et la police.
Sources : Tweets (1, 2 & 3)
Et vous ?
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Apple bannit une application qui trace les manifestations et les activités de la police à Hong Kong,
Sous prétexte d'illégalité, à tort ?
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Le , par Stan Adkens
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