Il semblerait que le FBI considère l'obtention d'un mandat avant d'accéder aux données des Américains comme une procédure "fastidieuse et contraignante" et préfère tout simplement les acheter. Le FBI aurait admis pour la première fois mercredi qu'il achetait les données de localisation des Américains au lieu d'obtenir un mandat. Un rapport souligne que la pratique consistant à acheter des données de localisation est de plus en plus courante depuis que la Cour suprême des États-Unis a limité la capacité du gouvernement à suivre les téléphones des Américains sans mandat. Les pratiques de surveillance du FBI sont actuellement passées au crible par la justice américaine.
Un nouveau rapport de Motherboard indique que cinq responsables des services de renseignement des États-Unis ont participé mercredi à une audition du Sénat sur les menaces mondiales. Lors de l'audience, le sénateur Ron Wyden (D - OR) aurait posé la question au directeur du FBI, Christopher Wray : « le FBI achète-t-il des informations sur la géolocalisation des téléphones des citoyens américains ? » Le directeur du FBI a répondu que son agence ne le faisait pas actuellement, mais aurait reconnu qu'elle l'avait fait par le passé. Il aurait limité sa réponse aux données que les entreprises recueillent spécifiquement à des fins publicitaires.
« À ma connaissance, nous n'achetons pas actuellement d'informations provenant de bases de données commerciales comprenant des données de localisation dérivées de la publicité sur Internet. Je crois savoir que nous avons déjà acheté de telles informations dans le cadre d'un projet pilote spécifique de sécurité nationale, mais ce projet n'est plus actif depuis un certain temps », aurait déclaré Wray. Il aurait ajouté que l'agence s'appuyait désormais sur une "procédure autorisée par un tribunal" pour obtenir des données de localisation auprès des entreprises. La réponse est imprécise et l'on ignore s'il faisait référence à un mandat ou à un autre outil juridique.
Pour rappel, un mandat est une ordonnance signée par un juge fermement convaincu qu'un délit a été commis. Le directeur du FBI n'a pas non plus expliqué pourquoi le FBI a décidé de mettre fin à cette pratique. Le rapport souligne que le FBI n'avait jamais reconnu avoir acheté des données de localisation, bien que cette pratique se soit généralisée depuis que la Cour suprême des États-Unis a restreint la capacité du gouvernement à suivre les téléphones des citoyens sans mandat, il y a près de cinq ans. Cette restriction est intervenue dans l'arrêt historique pris en 2018 par la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Carpenter v. United States.
La Cour suprême des États-Unis a statué que lorsque des organisations gouvernementales accèdent aux données de localisation sans mandat, elles violaient le principe des perquisitions injustifiées. Mais cette décision aurait été interprétée de manière restrictive. Les groupes de défense de la vie privée affirment que l'arrêt a laissé une lacune évidente qui permet au gouvernement d'acheter tout ce qu'il n'est pas en mesure d'obtenir légalement. L'agence de renseignement militaire et le service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis (CBP) figureraient parmi les organisations fédérales connues pour avoir exploité cette faiblesse.
« Par exemple, le ministère de la Sécurité intérieure aurait acheté les données de géolocalisation de millions d'Américains à des sociétés de marketing privées. Dans ce cas, les données provenaient d'une série de sources faussement inoffensives, telles que des jeux mobiles et des applications météorologiques. Outre le gouvernement fédéral, les autorités locales et étatiques sont connues pour acquérir des logiciels qui se nourrissent des données de pistage des téléphones portables », peut-on lire dans le rapport. Les réponses du directeur du FBI aux questions des sénateurs montrent qu'il a fait preuve de très peu de clarté lors de l'audition de mercredi.
Lorsqu'on lui a demandé si le FBI allait recommencer à acheter des données de localisation lors de l'audition au Sénat, Wray a répondu : « nous n'avons pas l'intention de changer cela à l'heure actuelle ». Sean Vitka, avocat à Demand Progress, une organisation à but non lucratif qui se consacre à la sécurité nationale et à la réforme de la protection de la vie privée, estime que le FBI doit être plus transparent au sujet de ces achats et qualifie l'aveu de Wray d'"horrible" dans ses implications. « Le public doit savoir qui a donné le feu vert à cet achat, les raisons, ainsi que les autres agences qui ont fait ou essaient de faire la même chose », a déclaré l'avocat.
Il a ajouté que le Congrès devrait également prendre des mesures pour interdire complètement cette pratique. Cependant, au regard des récents développements sur la question, Vitka pourrait espérer cette interdiction pendant encore longtemps. De nombreux responsables américains craignent que de telles mesures entravent leurs capacités de surveillance. Les législateurs américains ont longtemps échoué dans leurs tentatives d'adopter une loi complète sur la protection de la vie privée, et la plupart des projets de loi présentés ont délibérément évité l'acquisition par le gouvernement lui-même des données personnelles des résidents américains.
Par exemple, l'American Data Privacy and Protection Act (ADPPA) présenté l'année dernière contient des exemptions pour tous les organismes chargés de l'application de la loi et pour toute entreprise "collectant, traitant ou transférant" des données en leur nom. Plusieurs projets de loi rédigés par Wyden et d'autres législateurs ont tenté de s'attaquer de front à ce problème. Le Geolocation Privacy and Surveillance Act, qui établit des règles claires pour les organismes chargés de l'application de la loi et les entités privées qui ont accès aux données de géolocalisation, a été réintroduit au Congrès à plusieurs reprises depuis 2011, mais n'a jamais été voté.
Selon le rapport, le mois dernier, Demand Progress s'est joint à une coalition de groupes de défense de la vie privée pour exhorter le directeur du bureau américain de protection financière à utiliser le Fair Credit Report Act (FCRA) - la première grande loi nationale sur la protection de la vie privée - contre les courtiers en données qui commercialisent les informations des Américains sans leur consentement. Les avocats qui ont signé la campagne ont déclaré aux législateurs que les violations de la vie privée inhérentes à l'industrie des courtiers en données ont un impact disproportionné sur les personnes les plus vulnérables de la société.
Selon les avocats, cela interfère avec la capacité des gens à obtenir un emploi, un logement et des prestations gouvernementales. En outre, que de nombreux législateurs américains, portés à de nouveaux sommets de pouvoir par les récentes élections, s'efforcent de réduire considérablement les méthodes d'enquête du FBI. Ces derniers mettent en cause la capacité du gouvernement américain à espionner ses propres citoyens. En effet, l'examen de l'accès du FBI aux renseignements étrangers révèle une mauvaise utilisation de la technologie de surveillance. Le Congrès américain doit voter d'ici la fin de l'année pour prolonger ou non cette autorisation.
Toutefois, cette pratique est jugée invasive, dans le cadre de la section 702 de la loi sur la surveillance du renseignement étranger (Foreign Intelligence Surveillance Act - FISA). Un rapport d'audit a révélé qu'au cours du premier semestre de 2020, le personnel du FBI a effectué des recherches illégales dans les données brutes de la FISA à de nombreuses occasions. Dans un cas, les agents auraient cherché des preuves d'une influence étrangère liée à un législateur américain. Dans un autre, une recherche inappropriée concernait un parti politique local. Dans les deux cas, ces erreurs ont été attribuées à une mauvaise compréhension de la loi.
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Le FBI vient d'admettre qu'il achetait des données de localisation des Américains,
Une pratique controversée et jugée profondément problématique par les groupes de défense de la vie privée
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Le , par Bill Fassinou
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