Un rapport déclassifié aux États-Unis décrit comment le FBI a outrepassé ses pouvoirs au cours de ces dernières années pour obtenir illégalement des informations sur les Américains. Le document, hautement expurgé, détaille néanmoins des centaines de milliers de cas de violations de l'article 702 de la loi américaine sur la surveillance du renseignement étranger (FISA), l'instrument législatif qui autorise l'espionnage sans mandat. Il révèle que le FBI a abusé de la loi sur l'espionnage 280 000 fois en un an. L'agence fédérale a ainsi espionné les courriels, les textes et autres communications privées des Américains ou de toute personne se trouvant aux États-Unis.
Le FBI est confronté à une vague de rapports accablants depuis la fin de l'année dernière. Ces rapports mettent en lumière les outils plus controversés et les dérives du service américain de renseignement intérieur. L'un de ces outils controversés, la section 702 de la loi sur la surveillance du renseignement étranger (Foreign Intelligence Surveillance Act - FISA), a été abusivement utilisé par le FBI pour espionner et récolter une quantité phénoménale d'informations sur les Américains, alors qu'il n'en avait pas le droit. Selon un rapport déclassifié, ces données comprennent les courriels, les textes et autres communications privés des Américains.
La section 702 de la FISA est censée permettre au gouvernement fédéral d'espionner les communications appartenant à des personnes étrangères en dehors des États-Unis, théoriquement pour prévenir les actes criminels et terroristes. La loi indique que ces communications peuvent englober les appels téléphoniques, les textes et les courriels échangés avec des ressortissants américains et sont stockées dans d'immenses bases de données. Dès lors, les agences de renseignement américaines, telles que le FBI, la CIA et la NSA peuvent fouiller ces communications sans mandat. Cependant, les choses ne sont pas déroulées comme prévu par le cadre légal.
Le document, qui a été publié vendredi par la Cour américaine de surveillance du renseignement étranger (Foreign Intelligence Surveillance Court - FISC), révèle que le FBI a abusé de cette loi plus de 278 000 fois entre 2020 et début 2021. Parmi les recherches les plus préoccupantes sur les Américains, le FBI a effectué plus de 23 000 recherches sur des personnes ayant participé à l'assaut du Capitole, 19 000 sur des donateurs de campagnes politiques et 133 sur des manifestants après l'assassinat de George Floyd par la police. Le sénateur américain Ron Wyden a qualifié ces révélations de choquantes et demande au Congrès de prendre des mesures strictes.
Dans le cas des manifestations "Black Lives Matter", la FISC a estimé que les requêtes du FBI "n'étaient pas raisonnablement susceptibles d'aboutir à des informations de renseignement étranger ou à des preuves d'un crime". Là encore, il s'agit d'un excès de pouvoir en matière de surveillance étrangère. La FISC indique que d'autres "violations significatives" ont été commises lors de recherches liées à l'attaque du Capitole des États-Unis le 6 janvier 2021, à des enquêtes sur des affaires de drogue et de gangs et à des enquêtes sur le terrorisme national. Le tribunal a rejeté toutes les tentatives du FBI de légitimer les recherches abusives qu'elle a effectuées.
Des agents du FBI ont déclaré qu'ils ne se souvenaient pas des raisons pour lesquelles ils avaient effectué certaines de ces recherches inappropriées. D'autres ont affirmé que les recherches sur les manifestants de Black Lives Matters étaient correctes simplement parce qu'ils avaient été arrêtés. Le personnel a également déclaré que les recherches sur les personnes qui ont pris d'assaut le Capitole étaient appropriées parce que ces personnes étaient généralement considérées comme une menace pour la sécurité nationale. Bien qu'il soit expurgé, le contenu du rapport a troublé le public et a suscité une vague de protestations contre le renouvellement de la section 702.
Le document décrit le modèle du FBI consistant à effectuer des requêtes larges et sans soupçon. Jake Laperruque, directeur adjoint du projet "Sécurité et surveillance" du Centre américain pour la démocratie et la technologie, a déclaré que "ces dernières révélations devraient alerter le Congrès". Ce pouvoir de police doit expirer à la fin de l'année si le Congrès ne le renouvelle pas. À l'approche de cette échéance, les documents judiciaires non classifiés ou déclassifiés récemment ajoutent de l'eau au moulin des opposants à la section 702 de la FISA. Les opposants affirment que le gouvernement abuse régulièrement de ces perquisitions sans mandat.
Laperruque a exhorté les législateurs à ne pas renouveler la section 702 de la FISA sans procéder à une révision complète. « Nous savons désormais que le FBI, qui a déjà fait l'objet d'un examen minutieux pour une litanie de violations de la section 702 de la FISA, s'est engagé dans des recherches inappropriées de communications ciblées sur des activités et des acteurs politiques américains », a déclaré Laperruque dans un communiqué. Le FBI affirme avoir pris des mesures pour prévenir les abus liés à la section 702, dont une meilleure formation aux requêtes et des exigences plus strictes en matière d'approbation pour certaines recherches "sensibles".
Alors que le FBI continue d'évaluer les problèmes de conformité, Rudolph Contreras, le président de la FISC qui a rédigé l'ordonnance, a déclaré qu'une mise en œuvre parfaite n'est pas réaliste et que d'autres réformes pourraient s'avérer nécessaires. « Les problèmes de conformité liés aux recherches du FBI des informations relevant de la section 702 se sont avérés persistants et généralisés. S'ils ne sont pas atténués par les mesures récentes, d'autres réponses pourraient s'avérer nécessaires, dont la limitation substantielle du nombre de membres du personnel du FBI ayant accès aux informations non minimisées de la section 702 », a écrit Contreras.
Les opposants à la section 702 affirment que l'espionnage des citoyens américains ne cessera pas tant que le Congrès n'aura pas promulgué un rapport sur la FISA. « Il existe des informations importantes et secrètes sur la façon dont le gouvernement a interprété la section 702 que le Congrès et le peuple américain doivent voir avant que la loi ne soit renouvelée », a déclaré le sénateur Wyden. Mais en février dernier, Matthew Olsen, procureur général adjoint des États-Unis, a déclaré lors d'une conférence de presse : « ce qui me tient éveillé la nuit, c'est l'idée que le Congrès ne réautorise pas rapidement la section 702 à la fin de l'année ».
Olsen, qui a participé à l'élaboration de la section 702, l'a décrite comme étant la loi qui permet au gouvernement américain d'obtenir des renseignements d'une valeur unique. « Si la section 702 expire ou est affaiblie, les États-Unis perdront des informations cruciales dont ils ont besoin pour protéger le pays », a-t-il déclaré. Le FBI a déjà mis en œuvre des réformes pour empêcher les requêtes abusives sur les Américains. Par exemple, l'agence fédérale a modifié les paramètres par défaut de ses systèmes afin d'obliger les employés à consulter uniquement les informations ciblées par l'article 702, ce qui permet d'éviter les recherches inadéquates.
De plus, le FBI exige désormais des justifications écrites spécifiques avant d'accéder aux informations de la section 702 à partir d'une requête concernant un ressortissant américain. Auparavant, le personnel choisissait des justifications générales dans un menu déroulant ; désormais, les justifications doivent être spécifiques à chaque cas. Dans l'ensemble, Olsen semble considérer comme satisfaisantes les solutions déjà mises en œuvre, telles que l'amélioration de la formation et les audits continus des problèmes de conformité, alors que des personnes comme Laperruque ont déclaré qu'ils souhaitaient des réformes réglementaires significatives.
Olsen semble d'accord sur le fait qu'une plus grande transparence est nécessaire. Il a déclaré en février que le maintien de la section 702 exigeait que les agences de renseignement maintiennent la confiance du public américain, en partie "en étant aussi transparent que possible sur la façon dont la loi est utilisée et lorsqu'elles commettent des erreurs". Mais selon les critiques, il est peu probable que les agences de renseignement fassent preuve de transparence sur leurs méthodes.
Source : rapport de la FISC
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Le , par Bill Fassinou
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