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Un document déclassifié révèle que le FBI a abusé de la loi sur l'espionnage étranger 280 000 fois en un an

Pour espionner les communications privées des Américains sous des prétextes fallacieux

Le 2023-05-24 12:56:20, par Bill Fassinou, Chroniqueur Actualités
Un rapport déclassifié aux États-Unis décrit comment le FBI a outrepassé ses pouvoirs au cours de ces dernières années pour obtenir illégalement des informations sur les Américains. Le document, hautement expurgé, détaille néanmoins des centaines de milliers de cas de violations de l'article 702 de la loi américaine sur la surveillance du renseignement étranger (FISA), l'instrument législatif qui autorise l'espionnage sans mandat. Il révèle que le FBI a abusé de la loi sur l'espionnage 280 000 fois en un an. L'agence fédérale a ainsi espionné les courriels, les textes et autres communications privées des Américains ou de toute personne se trouvant aux États-Unis.

Le FBI est confronté à une vague de rapports accablants depuis la fin de l'année dernière. Ces rapports mettent en lumière les outils plus controversés et les dérives du service américain de renseignement intérieur. L'un de ces outils controversés, la section 702 de la loi sur la surveillance du renseignement étranger (Foreign Intelligence Surveillance Act - FISA), a été abusivement utilisé par le FBI pour espionner et récolter une quantité phénoménale d'informations sur les Américains, alors qu'il n'en avait pas le droit. Selon un rapport déclassifié, ces données comprennent les courriels, les textes et autres communications privés des Américains.

La section 702 de la FISA est censée permettre au gouvernement fédéral d'espionner les communications appartenant à des personnes étrangères en dehors des États-Unis, théoriquement pour prévenir les actes criminels et terroristes. La loi indique que ces communications peuvent englober les appels téléphoniques, les textes et les courriels échangés avec des ressortissants américains et sont stockées dans d'immenses bases de données. Dès lors, les agences de renseignement américaines, telles que le FBI, la CIA et la NSA peuvent fouiller ces communications sans mandat. Cependant, les choses ne sont pas déroulées comme prévu par le cadre légal.


Le document, qui a été publié vendredi par la Cour américaine de surveillance du renseignement étranger (Foreign Intelligence Surveillance Court - FISC), révèle que le FBI a abusé de cette loi plus de 278 000 fois entre 2020 et début 2021. Parmi les recherches les plus préoccupantes sur les Américains, le FBI a effectué plus de 23 000 recherches sur des personnes ayant participé à l'assaut du Capitole, 19 000 sur des donateurs de campagnes politiques et 133 sur des manifestants après l'assassinat de George Floyd par la police. Le sénateur américain Ron Wyden a qualifié ces révélations de choquantes et demande au Congrès de prendre des mesures strictes.

Dans le cas des manifestations "Black Lives Matter", la FISC a estimé que les requêtes du FBI "n'étaient pas raisonnablement susceptibles d'aboutir à des informations de renseignement étranger ou à des preuves d'un crime". Là encore, il s'agit d'un excès de pouvoir en matière de surveillance étrangère. La FISC indique que d'autres "violations significatives" ont été commises lors de recherches liées à l'attaque du Capitole des États-Unis le 6 janvier 2021, à des enquêtes sur des affaires de drogue et de gangs et à des enquêtes sur le terrorisme national. Le tribunal a rejeté toutes les tentatives du FBI de légitimer les recherches abusives qu'elle a effectuées.

Des agents du FBI ont déclaré qu'ils ne se souvenaient pas des raisons pour lesquelles ils avaient effectué certaines de ces recherches inappropriées. D'autres ont affirmé que les recherches sur les manifestants de Black Lives Matters étaient correctes simplement parce qu'ils avaient été arrêtés. Le personnel a également déclaré que les recherches sur les personnes qui ont pris d'assaut le Capitole étaient appropriées parce que ces personnes étaient généralement considérées comme une menace pour la sécurité nationale. Bien qu'il soit expurgé, le contenu du rapport a troublé le public et a suscité une vague de protestations contre le renouvellement de la section 702.

Le document décrit le modèle du FBI consistant à effectuer des requêtes larges et sans soupçon. Jake Laperruque, directeur adjoint du projet "Sécurité et surveillance" du Centre américain pour la démocratie et la technologie, a déclaré que "ces dernières révélations devraient alerter le Congrès". Ce pouvoir de police doit expirer à la fin de l'année si le Congrès ne le renouvelle pas. À l'approche de cette échéance, les documents judiciaires non classifiés ou déclassifiés récemment ajoutent de l'eau au moulin des opposants à la section 702 de la FISA. Les opposants affirment que le gouvernement abuse régulièrement de ces perquisitions sans mandat.

Laperruque a exhorté les législateurs à ne pas renouveler la section 702 de la FISA sans procéder à une révision complète. « Nous savons désormais que le FBI, qui a déjà fait l'objet d'un examen minutieux pour une litanie de violations de la section 702 de la FISA, s'est engagé dans des recherches inappropriées de communications ciblées sur des activités et des acteurs politiques américains », a déclaré Laperruque dans un communiqué. Le FBI affirme avoir pris des mesures pour prévenir les abus liés à la section 702, dont une meilleure formation aux requêtes et des exigences plus strictes en matière d'approbation pour certaines recherches "sensibles".

Alors que le FBI continue d'évaluer les problèmes de conformité, Rudolph Contreras, le président de la FISC qui a rédigé l'ordonnance, a déclaré qu'une mise en œuvre parfaite n'est pas réaliste et que d'autres réformes pourraient s'avérer nécessaires. « Les problèmes de conformité liés aux recherches du FBI des informations relevant de la section 702 se sont avérés persistants et généralisés. S'ils ne sont pas atténués par les mesures récentes, d'autres réponses pourraient s'avérer nécessaires, dont la limitation substantielle du nombre de membres du personnel du FBI ayant accès aux informations non minimisées de la section 702 », a écrit Contreras.

Les opposants à la section 702 affirment que l'espionnage des citoyens américains ne cessera pas tant que le Congrès n'aura pas promulgué un rapport sur la FISA. « Il existe des informations importantes et secrètes sur la façon dont le gouvernement a interprété la section 702 que le Congrès et le peuple américain doivent voir avant que la loi ne soit renouvelée », a déclaré le sénateur Wyden. Mais en février dernier, Matthew Olsen, procureur général adjoint des États-Unis, a déclaré lors d'une conférence de presse : « ce qui me tient éveillé la nuit, c'est l'idée que le Congrès ne réautorise pas rapidement la section 702 à la fin de l'année ».

Olsen, qui a participé à l'élaboration de la section 702, l'a décrite comme étant la loi qui permet au gouvernement américain d'obtenir des renseignements d'une valeur unique. « Si la section 702 expire ou est affaiblie, les États-Unis perdront des informations cruciales dont ils ont besoin pour protéger le pays », a-t-il déclaré. Le FBI a déjà mis en œuvre des réformes pour empêcher les requêtes abusives sur les Américains. Par exemple, l'agence fédérale a modifié les paramètres par défaut de ses systèmes afin d'obliger les employés à consulter uniquement les informations ciblées par l'article 702, ce qui permet d'éviter les recherches inadéquates.

De plus, le FBI exige désormais des justifications écrites spécifiques avant d'accéder aux informations de la section 702 à partir d'une requête concernant un ressortissant américain. Auparavant, le personnel choisissait des justifications générales dans un menu déroulant ; désormais, les justifications doivent être spécifiques à chaque cas. Dans l'ensemble, Olsen semble considérer comme satisfaisantes les solutions déjà mises en œuvre, telles que l'amélioration de la formation et les audits continus des problèmes de conformité, alors que des personnes comme Laperruque ont déclaré qu'ils souhaitaient des réformes réglementaires significatives.

Olsen semble d'accord sur le fait qu'une plus grande transparence est nécessaire. Il a déclaré en février que le maintien de la section 702 exigeait que les agences de renseignement maintiennent la confiance du public américain, en partie "en étant aussi transparent que possible sur la façon dont la loi est utilisée et lorsqu'elles commettent des erreurs". Mais selon les critiques, il est peu probable que les agences de renseignement fassent preuve de transparence sur leurs méthodes.

Source : rapport de la FISC

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  Discussion forum
30 commentaires
  • marsupial
    Expert éminent
    Et qu'en pense la CNIL et le RGPD ?
    S'il était besoin de démontrer leur nécessité, cette news le ferait et je trouve que l'on ne va pas assez loin dans la législation et la répression de ces abus.
  • Prox_13
    Membre éprouvé
  • chrtophe
    Responsable Systèmes
    ça vous surprend ?
  • marsupial
    Expert éminent
    Même le 11 septembre ne peut justifier une telle décision de mettre sur écoute la planète entière.
    Un tel espionnage de la population ne trouvera pas de raison assez forte pour se justifier quelle qu'elle soit.
    De plus, la constitution des États-Unis est bafouée pour permettre la collecte de données sur ses propres citoyens tournant cette démocratie en état policier. Snowden nous l'a révélé, et, malgré cela, nous restons impuissant face à cette situation.
    Au moins, avons nous préservé le chiffrement. Maigre consolation de cette année 2023, mais ne vont ils pas remettre le couvert en 2024.

    Bonne année à tous et meilleurs vœux !
  • HaryRoseAndMac
    Membre extrêmement actif
    Ce monde devient épouvantable !

    J'ai l'impression que le film matrix, était un trollage pour nous faire comprendre que nous sommes en réalité dans une matrice.
    Petit à petit on nous obliges comme des robots à devenir "l'homme parfait", de plus en plus de Loi, de plus en plus de règles, de plus en plus de contraintes, de plus en plus de contrôle, ...

    Et à la fin, un humain qui est contraint de rentrer dans le circuit, qu'il le veuille ou non.
    Un humain ou l'idée même de liberté est une insulte.

    Quoi ? Tu as osé dire le mot liberté ?! Espèce de taré ! Donc tu est contre les loi et donc tu est pour les crimes, les pervers, ... ? Donc tu es contre les règles donc tu es pour les incivilités, ... ?

    Tout est sujet à amalgame, à jugement, tout est devenu insupportablement asphyxiant !

    A tel point que de nos jours, ça ne choque absolument pas les gosses de savoir que leur mail sont lu, que leur conversation sont écoutés, que leur moindre faits et gestes sont observés par des caméras.
    A tel point que la moindre petite rumeur, totalement bidonnées, suffit à être amplifiée, déformée et devenir un tribunal populaire, un tribunal de la bien pensance !

    L'humain parfait ça n'existe pas et ça n'existera jamais ! Ca, ça s'appel un ROBOT !
    Un humain ça fait des erreurs, ça fait des conneries, parfois des trucs énormes, qu'il va regretter toute sa vie, parfois des trucs en réalité pas grave, que la société va lui persuadé d'en être l'inverse, parfois ça dit des choses, pense des choses, apprends des choses, évolues, régresse et tout ça, dans une même vie et pourtant, bien que l'humain tout les jours fassent tout un tas de bourde, ça n'en fait pas un crime, car il n'y a plus aucune place pour la nuance, aucune place pour le recul, aucune place pour permettre aux gens de faire des erreurs.

    Un humain c'est obligé de manger des formes de vies pour vivre, même s'il refuse toute forme de violence, même s'il veut manger la forme de vie la plus primitive possible, il est obligé d'en supprimer une pour que la sienne continue.
    Etre vegan, ça n'existe pas et ça n'est en rien moralement supérieur à un viandard !
    Etre végan c'est juste être un gosse de riche qui ne comprends rien à rien.

    Oui, la violence n'est pas tolérable, oui il faut si l'on peut arrêter de tuer des animaux pour notre bon plaisir, mais même une feuille de salade vie, et au nom de quoi une feuille de salade n'aurait-elle pas le droit de vivre autant qu'un mouton ?! Au nom de rien, à part au nom d'un idéalisme critinique.

    Un humain qui se nourrit sans faire mal à aucune forme de vie, ça s'appel un robot : Et ça se recharge pour se nourrir !

    Aujourd'hui, le moindre pet de travers, et vous êtes montrés du doigts et jugé par la vindicte !

    Je dirais bien "ça va trop loin", mais en faite ... On est déjà, trop loin.
    Car c'est l'humain, sa nature, il n'y a rien à faire, que ce soit au moyen âge, à l'antiquité ou en 2023, en réalité, c'est toujours pareil, la grande majorité des humains sont des abrutis profonds qui cèdes aux pulsions animales qui les habites à la moindre occasion.

    Alors oui, les humains sont entrain de tendre vers un idéal, celui de devenir un robot, et ça, moi, j'appelle ça être dans une matrice !
  • marsupial
    Expert éminent
    En France, les FAI sont tenus de garder les données de connexion et d'itinérance pour toutes fins judiciaires. Donc c'est gratuit pour les forces de l'ordre et ne doit pas se retrouver à en faire commerce.
    Aux Etats-Unis, c'est payant et disponible pour tous chez des brokers : ce que je ne savais pas. Si j'étais un agent du renseignement, je me ferai du souci pour ma sécurité.

    Donc, plus que la communauté du renseignement qui est régulée par la loi, il faudrait peut-être penser à réguler l'accès de ces données sensibles et privées, autant pour la vie privée des américains que pour la sécurité des personnels top secret.
  • kain_tn
    Expert éminent
    Envoyé par marsupial
    Donc, plus que la communauté du renseignement qui est régulée par la loi, il faudrait peut-être penser à réguler l'accès de ces données sensibles et privées, autant pour la vie privée des américains que pour la sécurité des personnels top secret.
    Avant d'en réguler l'accès, il faut en réguler la collecte. Par exemple, de quel droit le véhicule connecté de quelqu'un d'autre vient vous filmer sous prétexte que vous passez à côté?
  • marsupial
    Expert éminent
    Ron Wyden est bien bel et bon mais n'agit que pour ses propres électeurs, les citoyens américains. Ne lui en demandons pas plus, c'est déjà beaucoup.

    En tant que citoyen du monde et citoyen français, j'ai 2 petites questions auxquelles j'ai déjà la réponse.
    Qu'en est-il de l'historique de navigation des étrangers ?
    Qu'en est-il de l'historique de navigation des citoyens français pour la DGSI-DGSE ?

    A mon avis, la collecte de données ne doit pas se limiter à l'historique de navigation.
  • Matthieu Vergne
    Expert éminent
    Envoyé par chrtophe
    ça vous surprend ?
    Non. Et c'est bien ça le problème.
  • Jules34
    Membre expérimenté
    Quand on vous dit que l'empire n'a jamais pris fin

    Allez, c'est reparti pour un tour avec notre seigneur partenaire stratégique.