Selon le député conservateur Garnett Genuis, la main invisible du marché libre empêcherait de telles violations de données de se produire.
Cette semaine, le chef de file des conservateurs, Pierre Poilievre, a suscité l'inquiétude après avoir affirmé le soutien de son parti à une loi controversée introduisant un système d'identification numérique pour vérifier l'identité de toute personne accédant à de la pornographie sur l'internet.
D'éminents professeurs de droit ont largement critiqué le projet de loi S-210, qu'ils considèrent comme mal conçu, inconstitutionnel et susceptible d'empêcher les Canadiens d'accéder à un large éventail de sites web sans rapport avec la pornographie.
Des lois similaires ont été jugées inconstitutionnelles dans un certain nombre d'États américains, tandis que des rapports gouvernementaux internationaux se penchant sur la question ont conclu que l'utilisation d'identifiants numériques pour vérifier les utilisateurs de sites pornographiques soulevait de graves problèmes de sécurité et de protection de la vie privée.
Mais dans une récente interview accordée à TAG TV, le Shadow Minister conservateur pour le Développement International a défendu le soutien de M. Poilievre au projet de loi anti-pornographie contre les critiques selon lesquelles il soulève de graves problèmes de protection de la vie privée.
"Certaines personnes sont critiques pour des raisons idéologiques et disent que s'il y a le moindre risque de violation de la vie privée, nous ne devrions pas fournir cette protection", a déclaré M. Genuis à Tahir Gora, de TAG TV.
"Le projet de loi prévoit que les entreprises sont chargées de procéder à une vérification significative de l'âge, de sorte que les entreprises qui fournissent cette protection ont la responsabilité de mettre en place des mécanismes significatifs pour vérifier l'âge des personnes qui accèdent à des contenus à caractère sexuel."
Bien que M. Genuis admette que les Canadiens puissent s'inquiéter de la possibilité que leurs noms ou leurs historiques de visionnage soient rendus publics en cas de violation de données, il souligne que les entreprises qui fournissent des contenus sexuels ont tout intérêt à empêcher que cela ne se produise.
"Il est évident que ces entreprises ont intérêt à protéger la vie privée des personnes qui fournissent cette vérification d'âge", a expliqué M. Genius.
"Le problème est le suivant : si quelqu'un doit fournir une vérification d'âge, cela signifie-t-il qu'il y a un risque que son nom soit divulgué et qu'il ait accédé à ce type de contenu ?"
Le bureau de Genuis n'a pas répondu aux multiples demandes visant à clarifier ce qu'est cette "incitation" ou à expliquer pourquoi il fait confiance aux entreprises pour collecter et stocker des informations telles que les noms, les adresses personnelles et les historiques de visionnage des visiteurs de sites Web pornographiques canadiens.
Selon Statistique Canada, un tiers des grandes entreprises (36,5 %) ont déclaré avoir été touchées par des incidents de cybersécurité en 2021, et une sur dix a déclaré avoir été visée par des tentatives de vol de données personnelles ou financières.
Selon une étude récente commandée par Apple, 360 millions de personnes ont été touchées par des violations de données d'entreprises et d'institutions dans le monde l'année dernière, les données des consommateurs figurant parmi les principales cibles des pirates informatiques et des attaques par ransomware.
En 2021, le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Daniel Therrien, a déclaré à une commission sénatoriale que tout système de vérification de l'identité numérique obligerait nécessairement les Canadiens à fournir leurs informations personnelles à un tiers et a mis en garde contre les "risques associés à la collecte et à l'utilisation des données nécessaires à la vérification de l'âge".
"En l'absence de mesures appropriées de protection de la vie privée, le risque de révéler les habitudes de navigation privées des adultes pourrait augmenter", a déclaré M. Therrien, soulignant le "risque de violation, d'utilisation non autorisée ou d'atteinte à la réputation" et suggérant que la technologie pourrait se transformer en une forme de "surveillance" dans le pire des cas.
On ne sait pas très bien comment un système de vérification de l'identité numérique fonctionnerait dans le contexte de sociétés pornographiques situées dans des pays étrangers où les données personnelles des Canadiens pourraient être soumises à des lois peu rigoureuses en matière de protection de la vie privée ou être vulnérables à des acteurs malveillants. Le bureau de M. Genuis n'a pas apporté d'éclaircissement, mais M. Therrien a fait remarquer que les sites pornographiques situés "à l'étranger" poseraient de "véritables problèmes d'application de la loi".
Certains États américains, dont la Louisiane, l'Utah et le Mississippi, ont récemment adopté des lois qui obligent les internautes à télécharger des copies de leur permis de conduire ou de leur passeport pour pouvoir visionner de la pornographie.
Un rapport récent du service de recherche du Congrès américain, qui examine ces lois et technologies, a mis en garde contre des "conséquences imprévues", notamment de graves "problèmes de protection de la vie privée et de sécurité".
De même, un autre rapport de la Commission nationale française de l'informatique et des libertés (CNIL) a estimé que les systèmes de vérification de l'âge existants étaient trop "intrusifs" et a noté que "toutes les solutions proposées peuvent être facilement contournées".
La CNIL travaille à l'élaboration d'un système de vérification basé sur des jetons, plus respectueux de la vie privée, une idée présentée comme une solution possible par certains députés canadiens, mais le créateur de ce système reconnaît que tout le monde peut le contourner en utilisant un réseau privé virtuel.
La députée conservatrice Karen Vecchio, qui est à l'origine du projet de loi, a admis au cours des débats qu'elle n'était pas sûre de la manière dont la technologie de vérification des utilisateurs de sites pornographiques fonctionnerait réellement et a admis que tout le monde pourrait probablement la contourner en utilisant un VPN.
"Nous savons que les VPN posent problème", a déclaré Mme Vecchio. "C'est exactement la raison pour laquelle nous devons renvoyer cette question en commission, afin de pouvoir parler de la technologie et de toutes ces lacunes dans nos systèmes."
Source : Garnett Genuis, député conservateur
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