L’objectif est de protéger les droits de diffusion de Canal+. Bien que les fournisseurs DNS aient fait valoir que leurs services ne sont pas couverts par la législation, le tribunal a rejeté cet argument. Google a déclaré qu’il se conformera à l’ordre, mais il est intéressant de noter que le blocage DNS peut être contourné facilement. En fin de compte, cela soulève la question de ce que Canal+ demandera ensuite et à qui.
En France, où les lois ont été introduites avec des mesures de blocage de sites et des mesures anti-piratage similaires déjà intégrées, le géant du divertissement Canal+ semble déterminé à en tirer pleinement parti. Comme d'autres diffuseurs ayant des droits sportifs lucratifs à exploiter, Canal+ a un sous-ensemble de téléspectateurs qui préfèrent consommer à partir de sources pirates qui facturent beaucoup moins cher, voire rien du tout.
Pour maximiser ses efforts de blocage de sites par l'intermédiaire des fournisseurs d'accès Internet locaux, le radiodiffuseur français a maintenant franchi l'étape logique, bien que controversée, suivante sur l'échelle du blocage de sites.
Falsification de DNS au niveau du fournisseur d'accès local
En 2023, Canal+ a saisi la justice française pour s'attaquer aux sites pirates de streaming sportif, notamment Footybite.co, Streamcheck.link, SportBay.sx, TVFutbol.info et Catchystream.com. Le radiodiffuseur a déclaré qu'étant donné que les abonnés des fournisseurs d'accès locaux accédaient aux sites pirates en utilisant leurs services, les fournisseurs d'accès devaient les en empêcher.
Lorsque la décision a été rendue en faveur de Canal+, les FAI, dont Orange, SFR, OutreMer Télécom, Free et Bouygues Télécom, ont été tenus de mettre en œuvre des mesures techniques. Étant donné que les FAI disposent de leurs propres résolveurs DNS à l'usage de leurs clients, ceux-ci ont été configurés pour fournir des réponses non authentiques afin de refuser l'accès aux sites en question.
En réponse, les internautes de plus en plus avertis qui ne l'avaient pas encore fait ont simplement modifié leurs paramètres pour utiliser d'autres fournisseurs de DNS - Cloudflare, Google et Cisco - dont les résolveurs n'ont pas été altérés, du moins pas encore.
Monter d'un cran : la falsification des DNS publics
L'utilisation de fournisseurs de DNS tiers pour contourner le blocage n'est pas rare. Ainsi, l'année dernière, Canal+ a intenté une action en justice contre trois fournisseurs de DNS publics populaires - Cloudflare (1.1.1.1), Google (8.8.8.8) et Cisco (208.69.38.205), exigeant des mesures similaires à celles mises en œuvre par les fournisseurs d'accès à Internet français.
Pour de nombreux défenseurs de l'internet, l'altération du DNS public est un pas de trop, mais pour les principaux titulaires de droits, si la loi peut être façonnée de manière à le permettre, c'est ce qui se passera. En l'occurrence, l'article L333-10 du code du sport français (en vigueur depuis janvier 2022) semble pouvoir s'adapter à presque tout.
En cas de « violations graves et répétées » par un « service de communication au public en ligne » dont l'objectif principal est la diffusion non autorisée de compétitions sportives, les titulaires de droits peuvent exiger « toutes les mesures proportionnées de nature à prévenir ou à faire cesser cette atteinte, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ».
I.-Lorsqu'ont été constatées des atteintes graves et répétées au droit d'exploitation audiovisuelle prévu à l'article L. 333-1 du présent code, au droit voisin d'une entreprise de communication audiovisuelle prévu à l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, dès lors que le programme concerné est constitué d'une manifestation ou d'une compétition sportive, ou à un droit acquis à titre exclusif par contrat ou accord d'exploitation audiovisuelle d'une compétition ou manifestation sportive, occasionnées par le contenu d'un service de communication au public en ligne dont l'objectif principal ou l'un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions ou manifestations sportives, et afin de prévenir ou de remédier à une nouvelle atteinte grave et irrémédiable à ces mêmes droits, le titulaire de ce droit peut saisir le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond ou en référé, aux fins d'obtenir toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou à faire cesser cette atteinte, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier.
Deux décisions ont été rendues par le tribunal de grande instance de Paris le mois dernier, l'une concernant les matchs de la Premier League et l'autre la Ligue des champions. Les ordonnances enjoignent à Google, Cloudflare et Cisco de mettre en œuvre des mesures similaires à celles mises en place par les fournisseurs d'accès Internet locaux. Pour protéger les droits de Canal+, les sociétés doivent empêcher les internautes français d'utiliser leurs services pour accéder à quelque 117 domaines pirates.
Selon nos confrères chez l'Informé, qui ont publié cette actualité, Sébastien Proust, avocat de Google, a analysé les chiffres publiés par l'agence gouvernementale de lutte contre le piratage Arcom et a conclu que l'effet sur les taux de piratage, si tant est qu'il y en ait un, sera probablement minime.
En partant d'un pool de tous les utilisateurs qui utilisent des DNS alternatifs pour quelque raison que ce soit, les utilisateurs de sites pirates - en particulier les sites diffusant les matchs en question - ont été isolés du reste. Les utilisateurs de VPN et de DNS tiers ont également été exclus du groupe, car le blocage des DNS est inefficace contre les VPN.
Proust a constaté que le nombre d'utilisateurs susceptibles d'être affectés par le blocage des DNS chez Google, Cloudflare et Cisco s'élève à 0,084 % de la population totale des internautes français. Citant une enquête récente, qui a révélé que seulement 2 % des personnes confrontées à des blocages (2 % des 0,084%, soit 0,00168% des internautes français, ce qui représente en valeur absolue un petit groupe d'environ 974 personnes) abandonnent tout simplement et ne trouvent pas d'autres moyens de contournement, il est parvenu à une conclusion intéressante.
Le tribunal rejette les arguments contre le blocage
À l'instar d'autres tribunaux saisis des mêmes arguments, le tribunal de Paris a déclaré que le nombre de personnes utilisant des DNS alternatifs pour accéder aux sites et la simplicité du changement de DNS n'étaient pas pertinents.
Canal+ détient les droits sur les émissions et s'il souhaite demander une injonction de blocage, il a le droit légal de le faire.
L'affirmation des fournisseurs de DNS selon laquelle leurs services ne sont pas couverts par la législation a également été rejetée par le tribunal. Google affirme qu'il a l'intention de se conformer à l'ordonnance. Dans le cadre de l'affaire initiale, en 2023, il était déjà tenu de désindexer les domaines des résultats de recherche en vertu de la même loi.
Cela signifie, du moins en théorie, que ceux qui ont contourné les blocages initiaux en utilisant ces services DNS alternatifs seront de retour à la case départ et devront à nouveau faire face à des blocages.
Étant donné que le contournement de cette série de blocages sera aussi simple que le contournement des blocages initiaux, la question se pose de savoir quelles mesures Canal+ demandera ensuite, et à qui.
Sources : article L333-10 du code du sport français, l’Informé
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