Le traité des Nations unies sur la lutte contre la cybercriminalité
Le traité des Nations unies sur la lutte contre la cybercriminalité est en cours de négociation par les États membres depuis mai 2021. S'il est adopté, il s'agira du premier instrument juridiquement contraignant des Nations unies sur une question cybernétique. Le trait pourrait en effet devenir un cadre juridique mondial important pour la coopération internationale en matière de prévention et d'enquête sur la cybercriminalité, ainsi que pour la poursuite des cybercriminels.
Mais sans un champ d'application clairement défini et des garanties suffisantes, le traité pourrait mettre en danger les droits de l'homme, aussi bien en ligne que hors ligne, et des États ou des gouvernements répressifs pourraient abuser de ses dispositions pour criminaliser la liberté d'expression en ligne. Il pourrait également menacer les droits numériques en légitimant les enquêtes intrusives et un accès illimité des forces de l'ordre à nos informations personnelles.
Le traité oblige les pays à collecter et à partager les informations privées des utilisateurs d'Internet avec d'autres nations, y compris avec de nombreux régimes autoritaires. La cybersécurité est également menacée, car le traité prévoit que les pays considèrent comme un crime le fait d'accéder à des systèmes informatiques sans autorisation, mais ne créent pas d'exceptions protégeant les chercheurs en sécurité et les journalistes qui signalent des vulnérabilités.
Qu'est-ce que la cybercriminalité ?
À l'heure actuelle, il n'existe pas une définition universellement acceptée de la cybercriminalité. Une approche commune consiste à la classer en deux catégories : les délits cyberdépendants et les délits cyberfacilitants. Les délits cyberdépendants sont des délits qui ne peuvent être commis qu'en utilisant les technologies de l'information et de la communication (TIC). Un exemple très connu est le ransomware, aujourd'hui considéré comme la première cybermenace.
En revanche, les délits cyberfacilitants sont des crimes dits traditionnels dont la vitesse, l'échelle et la portée ont été transformées par l'utilisation des TIC, comme les escroqueries bancaires en ligne, l'usurpation d'identité ou la fraude, le trafic sexuel, l'exploitation sexuelle des enfants en ligne, et bien d'autres encore.
L'administration Biden prévoit de voter pour ce traité controversé
Bien que les menaces cybernétiques deviennent un problème sérieux et qu'une coopération internationale permettrait de lutter efficacement contre les acteurs de la menace, le traité suscite de vives inquiétudes de la part des groupes de défense des droits numériques en raison de son utilisation potentiellement abusive par des pays tels que la Russie et la Chine. Ils craignent en effet que ce traité ne renforce l'appareil de surveillance des gouvernements autoritaires.
Néanmoins, plusieurs sources indiquent que l'administration Biden prévoit de soutenir le traité controversé des Nations unies sur la cybercriminalité lorsqu'il sera soumis au vote prochainement. De hauts fonctionnaires de Washington indiquent notamment qu'il y a des raisons convaincantes de soutenir le traité. Par exemple, le traité permettrait de faire progresser la criminalisation du matériel pédopornographique et de la diffusion non consensuelle d'images intimes.
« L'implication plus large des États membres rendrait la cybercriminalité et les preuves électroniques plus accessibles aux États-Unis. Si tous les membres signent l'accord, celui-ci actualisera les traités d'extradition et offrira davantage de possibilités d'appréhender les cybercriminels et de les extrader », a déclaré un fonctionnaire. Des centaines de propositions provenant de groupes de défense et d'autres parties ont critiqué l'implication des États-Unis dans le traité.
En ce qui concerne les préoccupations liées au traité, un fonctionnaire de Washington a déclaré : « les États-Unis prévoient d'appliquer strictement les droits de l'homme et les autres garanties du traité, ont déclaré les fonctionnaires ». Il a ajouté que le ministère américain de la Justice examinerait attentivement les demandes et refuserait de fournir toute assistance qui ne serait pas conforme à l'accord. Mais les garanties de la Maison Blanche ne convainquent pas.
La Chine, la Russie et l'Iran ne sont pas les seuls pays qui préoccupent. Les États-Unis ont également une histoire sombre et scandaleuse en ce qui concerne l'espionnage et l'utilisation abusive des instruments juridiques au profit de la surveillance et de la collecte d'informations à grande échelle. Parmi les exemples les plus connus, on peut citer les révélations d'Edward Snowden sur l'opération mondiale de surveillance et de renseignement mise en place par la NSA.
Le traité pourrait légitimer la surveillance et la censure sur Internet
Les critiques estiment que certaines dispositions du traité permettraient à certains États et gouvernements de commettre des violations des droits de l'homme. En octobre 2024, six sénateurs démocrates ont écrit que le traité pourrait « légitimer les efforts déployés par des pays autoritaires comme la Russie et la Chine pour censurer et surveiller les utilisateurs d'Internet, renforçant ainsi la répression et les violations des droits de l'homme dans le monde entier ».
Dans une lettre envoyée à la Maison Blanche, les sénateurs démocrates ont déclaré ce qui suit : « bien que les efforts de l'exécutif pour orienter ce traité dans une direction moins néfaste soient louables, il faut faire davantage pour empêcher que la convention ne soit utilisée pour justifier de telles actions. Dans sa forme actuelle, la convention constitue une menace sérieuse pour la vie privée, la sécurité, la liberté d'expression et la sûreté de l'intelligence artificielle ».
Selon les critiques, comme le traité n'énumère pas les principales normes en matière de droits de l'homme et qu'il exige des gouvernements qu'ils fournissent une assistance juridique mutuelle pour tout « crime grave » relevant du droit national, les pays qui criminalisent des comportements protégés par le droit international relatif aux droits de l'homme, notamment les protestations et les dénonciations, abuseront des « outils multilatéraux » établis par le traité.
L'industrie technologique s'est également farouchement opposée à cette convention des Nations unies, partageant bon nombre des préoccupations exprimées par les défenseurs des droits de l'homme. Le traité oblige les entreprises technologiques à conserver les données des utilisateurs bien plus longtemps qu'elles ne le font actuellement et les obligerait à les remettre aux autorités chargées de l'application de la loi sans passer par les procédures légales habituelles.
« Il pourrait également empêcher les chercheurs en cybersécurité de signaler les failles qu'ils détectent dans les réseaux et autres systèmes technologiques, car ils risqueraient davantage d'être poursuivis en vertu des dispositions du traité », affirment les dirigeants de la technologie. L'industrie partage également les préoccupations concernant le manque de transparence autorisé par le traité. Selon ces derniers, le texte du traité doit faire l'objet d'une modification.
Les détracteurs de l'initiative affirment que, puisque le traité autorise les États à coopérer secrètement sans garanties procédurales (telles que le droit d'appel et l'exigence de mandats), il sera possible pour les États de demander des données sur presque tout ce qu'ils considèrent comme un délit.
Sources : Traité des Nations unies sur la cybercriminalité, lettre des sénateurs démocrates (PDF)
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