
La Russie aurait bloqué l'accès à l'Internet mondial dans plusieurs régions du pays pendant toute une journée afin de tester son Internet souverain Runet. Les habitants des régions concernées ne pouvaient pas accéder aux sites Web et applications étrangers, dont YouTube, Google, WhatsApp et Telegram. Et les services de réseaux privés virtuels (VPN) se sont avérés inefficaces pour aider les utilisateurs à contourner ce blocage. L'expérience n'est toutefois pas une surprise totale. La Russie a procédé à des tests similaires en juillet afin de s'assurer du bon fonctionnement du Runet, une infrastructure perçue à l'étranger comme un outil sophistiqué de censure.
La Russie teste son Internet souverain qui est qualifié d'appareil de censure
La Russie développe depuis plusieurs années une infrastructure technologique gigantesque à l'échelle du pays qui lui permettrait de se déconnecter de l'Internet mondial en cas de besoin ou de guerre. L'initiative vise à assurer l'indépendance de l'espace Internet russe (Runet) et se préparer à un éventuel scénario dans lequel les pays occidentaux décideraient de déconnecter la Russie de l'Internet mondial pour mettre fin aux campagnes de cyberattaques russes.
La Russie, à l’instar de l'Iran et la Corée du Nord, est régulièrement accusée de cyberattaques dangereuses, et les pays membres de l'OTAN ont annoncé à plusieurs reprises qu'ils réfléchissent à « une réponse plus ferme » à ces piratages. Le Kremlin s'est préparé à cette éventualité au cours des dernières années et a dépensé des sommes colossales pour encourager les FAI à modifier leurs infrastructures pour favoriser l'émergence de l'Internet souverain russe.
ℹ️ Note: Metrics show the disruption and restoration of connectivity in Dagestan, #Russia, following what telecoms regulator Roskomnadzor has described as a trial of its capacity to disable access to the foreign internet in a specific region; incident duration ~24 hours pic.twitter.com/7iYtDcVtSG
— NetBlocks (@netblocks) December 7, 2024
L'infrastructure, connue sous le nom de Runet, aurait été testée de nouveau lors du week-end du 7 au 8 décembre 2024 par l'autorité russe chargée des communications, Roskomnadzor. Cette dernière a coupé l'accès à l'Internet mondial pour les résidents du Daghestan, de la Tchétchénie et de l'Ingouchie. Pendant la période de test, les résidents de ces régions n'ont pas pu accéder aux sites Web et applications étrangers, dont YouTube, Google, WhatsApp, etc.
Ces trois régions se trouvent dans le sud-ouest de la Russie, près des frontières avec la Géorgie et l'Azerbaïdjan. Les données de l'organisme de surveillance d'Internet NetBlocks confirment que les autorités russes ont rétabli la connectivité Internet au Daghestan tard le samedi 7 décembre 2024, après 24 heures de blocage. Roskomnadzor aurait décrit ce blocage comme un essai de « sa capacité à désactiver l'accès à l'Internet étranger dans une région spécifique ».
La Russie a déjà testé en 2024 le blocage ou la restriction de sites comme YouTube en ralentissant les vitesses à tel point que les sites sont pratiquement inutilisables. Elle aurait investi 648 millions de dollars dans Runet et dans des technologies capables d'imposer des restrictions.
L'activation du Runet rendrait les applications VPN inefficaces dans le pays
Les travaux autour du Runet sont perçus à l'étranger comme « la mise au point d'une vaste infrastructure de censure ». Plusieurs critiques occidentaux l'assimilent d'ailleurs au Grand Pare-Feu (Grand Firewall) de la Chine. Les médias russes rapportent que lors du dernier test du Runet, les applications VPN n'ont été d'aucune utilité pour les résidents des régions concernées. Elles n'ont pas du tout réussi à aider les résidents à contourner les restrictions d'Internet.
Un expert du groupe russe de défense des droits numériques Roskomsvoboda a confirmé à TechRadar que la plupart des services VPN ne fonctionnaient pas pendant la fermeture, mais que certaines fonctionnaient. « Il s'agit d'une course aux armements, où les censeurs et les développeurs de technologies de contournement s'efforcent d'annuler les efforts des uns et des autres, et cela dure depuis plus de dix ans. Il y a donc encore de l'espoir », explique-t-il.
« Cet événement est crucial pour l'évolution possible de la censure en ligne en Russie, car il met en lumière ce qui est techniquement possible, c'est-à-dire une expérience Internet très limitée où la plupart des choses courantes ne fonctionnent tout simplement pas », ajoute-t-il. Un FAI opérant dans la région du Caucase du Nord a déclaré qu'il était au courant des plaintes des clients concernant l'accès à Internet, mais qu'il ne pouvait pas influer sur la situation.
La censure russe se durcit clairement, et les visiteurs et les résidents disposent de moins de moyens pour contourner les restrictions. Les meilleures applications VPN sont devenues une denrée cruciale pour les Russes qui s'efforcent d'accéder aux actualités internationales et aux sites Web bloqués. Cependant, l'année 2024 a vu le Kremlin redoubler d'efforts contre l'utilisation des VPN en Russie. Roskomnadzor lutte agressivement contre l'accès aux services VPN.
Tout d'abord, une nouvelle loi entrée en vigueur en mars 2024 criminalise désormais la diffusion d'informations sur les moyens de contourner les restrictions Internet, y compris les VPN. Selon les données les plus récentes, près de 200 services VPN sont actuellement bloqués en Russie. Durant l'été 2024, une soixantaine d'applications VPN ont disparu silencieusement de l'App Store russe, ce qui porte à 98 le nombre total d'applications supprimées par Apple.
La Russie tenterait également de se passer des hyperscaleurs étrangers
D'après Roskomnadzor ces tests visent à déterminer si « l'infrastructure Internet souveraine russe est prête à maintenir le fonctionnement des principaux services étrangers et nationaux en cas d'interférence extérieure intentionnelle ». En plus de cela, les experts soulignent que la Russie utilise Runet comme levier pour s'émanciper de grandes entreprises technologies occidentales, et en particulier les fournisseurs de services de cloud computing comme AWS.
Selon un rapport de l'Institut pour l'étude de la guerre (ISW), à l'avenir, la Russie pourrait également bloquer AWS (Amazon Web Services), HostGator et plusieurs autres fournisseurs étrangers de service de cloud computing. La Russie pourrait également obliger les résidents et les entreprises russes à cesser d'utiliser ces services et à migrer vers des services appartenant à des Russes afin que le gouvernement fédéral puisse appliquer « ses propres règles ».
Cela permettrait à la Russie de réduire sa dépendance aux entreprises technologiques étrangères. Elle réduirait par la même occasion sa vulnérabilité aux sanctions occidentales. Par exemple, de nombreux géants occidentaux de la technologie, dont Apple, Microsoft, Google, etc., ont suspendu ou restreint leurs services dans en Russie après qu'elle a envahi l'Ukraine en février 2022. Ces sanctions ont eu un impact désastreux sur l'industrie technologique russe.
À la suite de l'invasion russe en Ukraine, le registraire américain de noms de domaines GoDaddy a condamné la guerre en déclarant qu'elle est horrible, a cessé de soutenir les domaines russes, a abandonné la monnaie russe et a annoncé qu'il faisait un don de 500 000 dollars pour soutenir l'Ukraine. Tous ces blocages et déconnexions contribuent à l'éclatement de l'Internet vers lequel nous nous dirigeons aujourd'hui. Mais la Russie n'est pas le seul dans ce cas.
La Chine est un autre pays connu pour sa censure du cyberespace. L'accès à Internet dans le pays est censuré grâce au Grand Pare-Feu de Chine. Ces dernières années, la Chine a censuré des lettres isolées ainsi que des mots-clés qu'elle juge indésirables et inacceptables pour l'Internet. Les sites de diffusion en direct et les plateformes de rencontre comme Zoom ont également été censurés, de même qu'un grand nombre d'autres applications étrangères.
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