
D’où les questionnements sur la pertinence de mesures similaires dans d'autres pays comme la France
Des mesures comme celles de l’Australie sur l’interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 16 ans impliquent que des personnes plus âgées s’y soumettent, ce qui revient à dire que tous les utilisateurs australiens des réseaux sociaux devront prouver leur âge. C’est une situation similaire à celle d’autres pays comme la France qui imposent désormais une vérification d’âge pour l’accès à certains sites. C’est dire que la vérification d’âge et par extension d’identité arrive sur la totalité d’Internet et avec un lot de questions font surface : Est-ce la solution idoine à la lutte contre la pédopornographie ? Sinon quelles autres approches semblent plus adaptées ?
Une liste non exhaustive d’inconvénients ramène la question sur la table avec plus d’acuité
En effet :
- Un système dans lequel les utilisateurs sont contraints de fournir leurs informations personnelles introduit d’importants risques de vol et d’usurpation d’identité ; Illustration avec la fuite de 20 Go de données personnelles sur des modèles de webcam pornos. Des noms et copies numérisées de passeports avaient été divulgués, parmi lesquels ceux de Français. Que dire du vol des données personnelles d’environ 1,4 million de personnes qui ont effectué un test de dépistage de la Covid-19 en Île de France à mi-parcours de l’année 2020 ?
- Une fois qu'un système d'identification numérique avec des contrôles en ligne comme celui voulu par les gouvernements est en place, son usage peur être étendu sans difficultés. Les gouvernements peuvent commencer à exiger des sites qu'ils vérifient des détails autres que l'âge, car le système est déjà en place. Les services de streaming pourraient commencer à vérifier la localisation sur la base de l'adresse sur leur carte d'identité numérique, ce qui empêcherait les gens d'utiliser un VPN pour contourner les restrictions géographiques, par exemple.
- Un système de vérification de l’âge sur Internet pourrait donc constituer le socle d’une « architecture de l’oppression. » « Croyez-vous vraiment que lorsque la première vague, la deuxième vague, la 16e vague du coronavirus sera oubliée depuis longtemps, ces ensembles de données ne seront pas conservés ? Peu importe comment il est utilisé, ce qui est construit est l’architecture de l’oppression », avertissait Snowden à propos des développements autour de la pandémie de coronavirus.
Les questionnements se posent avec plus d’emphase compte tenu des limites technologiques qui font entrave à l’applicabilité de ces mesures
L’on note une augmentation spectaculaire des téléchargements de Réseaux Privés Virtuels (VPN), une tendance directement liée à la multiplication de mesures de vérification de l'âge pour l'accès au contenu en ligne. Cette flambée met en lumière les préoccupations croissantes des utilisateurs quant à leur vie privée et leur liberté numérique.
Ces dispositions visent à protéger les enfants en imposant aux plateformes de contenu pour adultes de vérifier l'âge de leurs utilisateurs. Bien que l'intention puisse être louable, la méthode d'application suscite un tollé. Les utilisateurs sont désormais confrontés à la nécessité de prouver leur âge par des moyens qui, pour beaucoup, semblent intrusifs, tels que la fourniture de documents d'identité officiels ou l'utilisation de services tiers de vérification d'âge.
En effet, parmi les méthodes suggérées et en cours d'adoption, on trouve :
- Vérification par carte de crédit/débit : Une vérification simple mais efficace, car les cartes de crédit ne sont généralement délivrées qu'aux adultes.
- Estimation faciale de l'âge : Une technologie basée sur l'IA qui analyse une photo ou une vidéo en direct pour estimer l'âge de l'utilisateur, sans identifier la personne ni stocker de données personnelles.
- Services d'identité numérique : Des portefeuilles d'identité numérique qui peuvent stocker et partager en toute sécurité des preuves d'âge vérifiées.
- Vérification via les opérateurs de réseaux mobiles : Confirmation que le numéro de téléphone mobile de l'utilisateur n'est pas soumis à des filtres d'âge.
- Vérification par pièce d'identité avec photo : Téléchargement d'une pièce d'identité (passeport, permis de conduire) qui est comparée à un selfie pour confirmer l'identité et l'âge.
- Vérification par services bancaires ou adresses e-mail : Accès sécurisé à des informations bancaires ou analyse de l'utilisation de l'adresse e-mail sur d'autres services pour estimer l'âge.
All this online age verification shit is so fucked. The days of digital anonymity are nearly over for those who don’t go out of their way for it. Buy $XMR, use Brave browser, email with Protonmail, and run Mullvad VPN the moment you come online - the Feds are watching us
— Goblin (@TheGoblinnn) August 21, 2025
Des espaces totalitaires se mettent progressivement en place dans des pays connus auparavant comme démocratiques
Le projet de loi ChatControl vient lui aussi avec une promesse qui est de mettre fin à la pédopornographie en ligne et avec un prix fort à payer : Chaque citoyen de l’UE est considéré comme potentiel prédateur. En effet, la Commission de l’UE propose d'obliger les fournisseurs de services de courrier électronique, de chat et de messagerie à rechercher automatiquement des contenus suspects dans tous les chats, messages et courriels privés, de manière générale et sans distinction.
Les implications de l’entrée en vigueur du projet de loi ChatControl 2.0 :
- Toutes vos discussions par messageries instantanées ou par courriel seront automatiquement scannées pour trouver des contenus douteux. Rien ne pourra être confidentiel ou secret. Il n’y aura pas besoin d’une décision d’un tribunal pour scanner vos messages : ce sera fait systématiquement et automatiquement.
- Si un algorithme classe le contenu de votre message comme douteux, vos photos privées ou intimes pourront être visionnées par le personnel et les sous-traitants d’entreprises internationales ou directement par les services de polices. Toutes vos photos de nudes peuvent être visionnées par des gens que vous ne connaissez pas et possiblement être mises entre de mauvaises mains.
- Les flirts et les sextos peuvent être lus par le personnel et les sous-traitants d’entreprises internationales et par les autorités policières, car les filtres de reconnaissance de texte recherchant de la « corruption de mineurs » signalent souvent à tort les conversations intimes.
- Vous pouvez être faussement dénoncé et faire l’objet d’une enquête pour diffusion présumée de matériel pédopornographique. Les algorithmes d’analyse de messageries sont connus pour signaler des photos de vacances tout à fait légales d’enfants sur une plage, par exemple. Selon les autorités de la police fédérale suisse, 80 % des signalements générés par des machines s’avèrent sans fondement. De même, en Irlande, seuls 20 % des signalements NCMEC reçus en 2020 ont été confirmés comme étant réellement des « documents relatifs à la maltraitance d’enfants ». En Allemagne, près de 40 % des procédures d’enquête criminelle ouvertes pour pédopornographie visent des mineurs.
- Durant votre prochain voyage à l’étranger, attendez-vous à avoir des problèmes. Des signalements automatiques sur vos communications peuvent avoir été transférés à d’autres pays, comme les Etats-Unis d’Amérique où la protection des données personnelles n’existe pas.
- Les services de renseignement et les hackers pourront espionner vos communications privées. Si le chiffrement des applications de communication est supprimé pour permettre l’analyse de vos messages, la porte sera alors ouverte à quiconque en aura les moyens techniques de lire vos échanges.
- Ce n’est que le début. Une fois la technologie d’analyse de messagerie établie, il devient très facile de l’utiliser à d’autres fins. Et qui garantit que ces machines à incriminer ne seront pas utilisées à l’avenir sur nos smartphones et nos ordinateurs portables ?
- Vous ne pourrez plus créer d’email ou de comptes anonymes sans présenter une pièce d’identité ou une photo de votre visage, vous rendant identifiable et vulnérables à des fuites de données. Cela limite par exemple les conversations sensibles liées à la sexualité, la communication de contenu anonyme (ex : lanceurs d’alertes), ainsi que les activités politiques.
- Si vous avez moins de 18 ans, vous ne pourrez plus installer les applications suivantes via les magasins d’applications (raison donnée : risque de corruption de mineurs) : des applications de messagerie comme Whatsapp, Snapchat, Telegram ou Twitter, des applications de réseaux sociaux comme Instagram, TikTok ou Facebook, des jeux comme FIFA, Minecraft, GTA, Call of Duty, Roblox, des applications de rencontre, des applications de visioconférence comme Zoom, Skype, Facetime.
- Même si vous n’utilisez pas de magasins d’applications, l’opérateur du service vérifiera votre âge. Si vous avez moins de 16 ans, vous ne pourrez plus utiliser Whatsapp du fait des règles de vérification d’âge ; idem pour les fonctions en ligne du jeu FIFA 23. Si vous avez moins de 13 ans, vous ne pourrez plus utiliser TikTok, Snapchat ou Instagram.
Et vous ?


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