Alors que la course présidentielle de 2020 s'amorce déjà, la commission sénatoriale du renseignement a publié jeudi son rapport final et détaillé dans lequel il a conclu à un ciblage d’une portée beaucoup plus étendue des systèmes électoraux par la Russie en 2016. Bien que les détails de nombreux actes de piratage dirigés par les pirates informatiques liés au gouvernement russe soient bien connus, le comité a décrit « un niveau d'activité sans précédent contre l'infrastructure électorale de l'État » visant principalement à rechercher les vulnérabilités dans la sécurité des systèmes électoraux. Le rapport fait également des recommandations pour protéger les prochaines élections américaines de l'ingérence étrangère, a rapporté NPR news.
Mais bien que les conclusions de la Commission sénatoriale du renseignement aient été bipartisanes, les propositions semblent toujours être confrontées à une montée en puissance au Congrès, en partie parce que le leader de la majorité au Sénat, Mitch McConnell, estime que bon nombre des idées sont inutiles. Par ailleurs, les conclusions sont arrivées au moment où M. McConnell a de nouveau bloqué l'examen de la législation sur la sécurité électorale présentée par les démocrates.
Le rapport final de l'enquête de la commission sur l'ingérence de la Russie dans les élections de 2016 a été publié 24 heures après que Robert Mueller, ancien conseiller spécial du ministère de la Justice eut prévenu que la Russie allait à nouveau intervenir « alors que nous sommes ici ». Dans son témoignage devant deux comités de la Chambre mercredi, M. Mueller avait tenté de souligner la menace persistante que la Russie ou d'autres adversaires tenteraient d'interférer dans les élections de 2020. Beaucoup d'autres pays seraient en train de développer leur capacité à reproduire ce que les Russes ont fait.
« Non, ce n'était pas une seule tentative », a déclaré M. Mueller lors de son témoignage relatif à son enquête sur la Russie, devant deux comités de la Chambre mercredi. « Ils le font pendant que nous sommes assis ici. Et ils s'attendent à le faire lors de la prochaine campagne », a-t-il ajouté.
Selon le rapport de la Commission sénatorial, bien qu'il n'y ait aucune preuve qu'un vote ait été modifié dans les machines de vote réelles, « les cyberacteurs russes étaient en mesure d'effacer ou de modifier les données sur les électeurs » dans la base de données des électeurs de l'Illinois, a rapporté The New York Times. Mais le comité n'a trouvé aucune preuve qu'ils l'ont vraiment fait.
En abordant dans le même sens que M. Muller, les responsables de Commission ont salué les efforts déjà accomplis depuis 2016 pour lutter contre l’ingérence étrangère dans les élections aux Etats-Unis, mais ils ont recommandent que ses efforts soient étendus à d’autres aspects de la sécurité des élections. Le président du comité, Richard Burr, sénateur républicain, a déclaré à cet effet :
« Le ministère de la Sécurité intérieure et les responsables des élections locales et des États ont radicalement modifié leur approche de la sécurité électorale, en travaillant ensemble pour combler les lacunes dans le partage de l'information et renforcer les vulnérabilités ». « Les progrès qu'ils ont réalisés au cours des trois dernières années témoignent de ce que nous pouvons accomplir lorsque nous donnons aux gens la possibilité de faire partie d'une solution. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire », a-t-il ajouté.
Le vice-président du comité, Mark Warner, sénateur démocrate, a aussi souhaité que les propositions issues de leur enquête soient prises en comptes dans le travail des agences et du Congrès en faveur de la sécurité des élections.
« J'espère que les conclusions et recommandations bipartites présentées dans ce rapport souligneront à la Maison-Blanche et à tous nos collègues, quel que soit leur parti politique, que cette menace demeure urgente et que nous avons la responsabilité de défendre notre démocratie contre elle », a dit le sénateur Warner.
Les constats de la Commission sénatoriale lors de son investigation
Les détails de nombreux actes de piratage dirigés par les services de renseignement russes, en particulier en Illinois et en Arizona, sont déjà bien connus. Le ministère de la Justice a inculpé 25 ressortissants russes et trois entités russes en raison de leur rôle présumé dans la campagne de mesures actives du Kremlin contre le vote américain de 2016. Le rapport final du conseiller spécial a aussi décrit en détail ces efforts russes, qui ont commencé dès 2014 lorsque des agents russes se sont rendus aux États-Unis pour une mission de collecte de renseignements, a rapporté NPR News. Mais les conclusions et recommandations que la commission sénatoriale du renseignement vient d’ajouter méritent qu’on y prête attention.
En effet, ces efforts des agents russes pour déstabiliser les systèmes électoraux américains comprenaient le piratage des systèmes informatiques du Parti démocrate, une campagne de désinformation sur les médias sociaux pour semer la discorde parmi les Américains et l'exploration de l'infrastructure électorale des États. La commission et le Département de la sécurité intérieure ont déclaré que des pirates informatiques affiliés à la Russie ont examiné les systèmes électoraux de 21 États. Les responsables disent qu'il n'y a aucune preuve que le décompte des votes a été modifié. Selon eux le système politique et électoral américain a également été lent à réagir à une menace que peu de gens avaient prévue, a rapporté NPR News.
« Les efforts russes ont exploité les liens entre les autorités et les capacités fédérales, ainsi que les protections pour les États », selon le rapport de la Commission. « Les fonctionnaires électoraux des États, qui ont la primauté dans la gestion des élections, n'ont pas été suffisamment avertis ou préparés pour faire face à une attaque d'un acteur hostile de l'État-nation », a-t-il ajouté.
Selon le rapport du comité sénatorial, toutes les dispositions anciennes doivent changer et les agences aux niveaux fédéral, régional et local doivent être plus conscientes des cybermenaces et y réagir plus rapidement. Le comité a ensuite formulé plusieurs recommandations pour aider à protéger les élections américaines.
Les recommandations et cyber prescriptions bipartites présentées dans ce rapport
En autres recommandations, le comité a préconisé que les services de renseignement américains devraient accorder une grande priorité à l'attribution rapide des cyberattaques et que le DHS devrait créer des voies de communication claires entre le gouvernement fédéral et les États. Le rapport recommande que les États et les juridictions locales, qui administrent les élections aux États-Unis, remplacent les anciens systèmes électoraux désuets qui sont vulnérables aux cyberattaques, a rapporté NPR News.
Dans le consensus croissant au Congrès autour de la question de la nécessité de protéger les élections contre l'ingérence étrangère, plusieurs membres du Congrès ont proposé des mesures législatives pour régler divers aspects du problème. Le sénateur Warner a proposé d'imposer de nouvelles restrictions sur les plateformes de médias sociaux, d'exiger des copies de sauvegarde des bulletins de vote pour chaque vote exprimé aux États-Unis et d'exiger que les campagnes politiques américaines signalent leurs contacts avec des agents étrangers.
Toutefois, le comité a convenu dans le rapport que les dirigeants locaux et des Etats devraient conserver leur primauté sur les élections et a recommandé que le Congrès puisse travailler davantage dans le sens de les aider. En particulier, le Commission voudrait que, lorsque les bénéficiaires de subventions d'assistance électorale d'environ 380 millions de dollars auront épuisé tout cet argent, le Congrès devrait en allouer davantage, a rapporté NPR News.
Selon NPR News, le comité sénatorial a également demandé plus de mesures de dissuasion dans le domaine géopolitique, afin de faire comprendre clairement conscience à des pays comme la Russie que l'ingérence électorale apporterait une réponse. En effet, l’enquêteur spécial Muller a déclaré mercredi que, non seulement, la Russie ne compte pas s’arrêter là, mais également, que beaucoup d'autres pays seraient en train de développer leur capacité à reproduire ce que les Russes ont fait.
« Les États-Unis devraient faire savoir à leurs adversaires qu'ils considéreront une attaque contre leur infrastructure électorale comme un acte hostile et réagir en conséquence », a déclaré, dans un communiqué, le bureau de Burr et Warner. « Le gouvernement américain ne devrait pas limiter sa réponse à la cyberactivité, mais plutôt créer un menu de réponses potentielles qui enverra un message clair et entraînera des coûts importants pour l'auteur de la cyberattaque », a-t-il ajouté.
Malgré ce consensus croissant au Congrès, des oppositions contre les propositions du comité demeurent
Selon NPR News, les propositions de la commission sénatoriale du renseignement ne semblent faire pas l’unanimité au Congrès, où le leader de la majorité au Sénat, Mitch McConnell, et d'autres sceptiques estiment que bon nombre des idées sont inutiles. Les sceptiques indiquent les progrès réalisés depuis 2016 et citent le bon déroulement des élections de mi-mandat de 2018 comme preuve qu'aucune révision majeure n'est nécessaire.
Malgré les avertissements concernant la menace russe, M. McConnell s'oppose également à un important projet de loi soutenu par plusieurs membres du Congrès, mettant en garde contre ce qu'il appelle le danger de « fédéralisation » d'un devoir principalement assumé par les fonctionnaires étatiques et locaux. La proposition démocrate, déjà adoptée par la Chambre, aurait donné aux États des centaines de millions de dollars en subventions, rendu obligatoire l'utilisation de bulletins de vote de réserve sur papier et exigé des vérifications post-électorales limitant les risques, selon The Times.
« Il ne s'agit ni d'une question de démocrates ni d'une question de républicains », a déclaré le sénateur Chuck Schumer, de New York, le leader démocrate. « Ce n'est pas une question de libéral, une question de modéré, une question de conservateur. C'est une question de patriotisme, de sécurité nationale, de protection de l'intégrité même de la démocratie américaine, pour laquelle tant de nos ancêtres sont morts », a-t-il ajouté.
Le piratage du système de vote a causé certainement des dégâts, mais il aura permis aux autorités de savoir qu’il semble avoir été toujours vulnérable aux cyberattaques.
Source : NPR News
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Le , par Stan Adkens
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