Les résultats d’une enquête menée par Wired révèlent que, Telegram, l'application de messagerie créée par Pavel Durov, originaire de Saint-Pétersbourg et qui est censée être privée et sécurisée, ne le serait pas, du moins pour le gouvernement russe qui serait capable de lire tout ce que les gens partagent sur Telegram.
Motivés par le besoin de sécurité, les militants anti-guerre russes ont fait confiance à l’application de messagerie Telegram au détriment de WhatsApp. Cependant, des sources révèlent que le régime de Poutine semble connaître tous leurs mouvements.
Au cours de l'année dernière, de nombreux dissidents à travers la Russie ont trouvé leurs comptes Telegram apparemment surveillés ou compromis. Des centaines d'entre eux ont vu leur activité Telegram utilisée contre eux dans des affaires criminelles. Le plus inquiétant est peut-être que certains militants ont découvert que leurs « chats secrets » - la fonction de Telegram censée être inébranlable et chiffrée de bout en bout - se comportent étrangement.
Pour se démarquer de la célèbre application de messagerie, WhatsApp, et mieux se positionner sur le marché, l’équipe en charge de Telegram a présenté au monde Telegram comme étant une application de messagerie de confiance, car étant chiffré de bout en bout.
Plus de trois milliards de personnes ont utilisé des applications de messagerie en 2021, ce qui en fait l'un des types d'applications les plus populaires. Conscient du besoin de garantie d’une vie privé sur Internet par les utilisateurs, les fournisseurs d’applications de messageries essaient tant bien que mal de mettre ce facteur en avant pour glaner de plus en plus d’utilisateurs.
Si pour la plupart des gens, la messagerie mobile se compose de deux plateformes : Facebook et WhatsApp, avec Globalement, plus de 2,5 milliards de personnes qui utilisent l'une de ces deux plateformes. Briar, une autre application de messagerie, se présente comme étant l’application conçue pour les militants, les journalistes et tous ceux qui ont besoin d'un moyen sûr, facile et robuste pour communiquer.
Telegram et Signal ont toutes deux été fondées avec de forts idéaux en faveur du chiffrement, et attaquent régulièrement Facebook pour le business model de sa messagerie. Briar utilise des connexions directes et chiffrées entre les utilisateurs pour éviter la surveillance et la censure. Les logiciels de messagerie classiques reposent sur des serveurs centraux et exposent les messages et les relations à la surveillance.
Que s’est-il donc passé avec Telegram ? Ces fournisseurs de messageries nous vendent-ils du mensonge ? C’est du moins ce que semble dire Darren Loucaides dans son enquête chez Wired.
Dans une envolée lyrique, Darren présente l’anecdote de Marina Matsapulina, 30 ans, vice-présidente du parti libertaire russe qui, pour contester contre ce que certains appellent l’invasion de la Russie en Ukraine, a avec une poignée de politiciens de l'opposition se sont rassemblé devant le palais de la loi, de l'ordre et de la sécurité de Saint-Pétersbourg. Ils y étaient pour demander officiellement l'autorisation d'organiser un rassemblement contre la guerre, ce qui, ils le savent, leur sera refusé.
Neuf jours plus tard, Matsapulina a été réveillée vers 7 heures du matin par quelqu'un qui frappait à la porte de son appartement. Elle se faufile jusqu'à l'entrée mais, trop effrayée pour regarder, elle se réfugie dans sa chambre. Les coups ont continué pendant deux heures, tandis que Matsapulina tenait au courant sept amis de sa soirée dans une discussion de groupe privée sur Telegram. « Il est peu probable qu'ils la démolissent », a-t-elle écrit, en prenant ses désirs pour des réalités.
Mais à 9h 22, elle a entendu un bruit beaucoup plus fort. Elle a eu juste le temps de verrouiller son téléphone avant que la porte ne s'effondre. Huit personnes entouraient le lit de Matsapulina. Il s'agissait, se souvient-elle, de deux agents de la police municipale, d'une équipe de deux personnes du SWAT brandissant des armes et braquant des lampes de poche sur son visage, et de deux agents du Centre de lutte contre l'extrémisme ou du Service fédéral de sécurité (FSB), le successeur du KGB. Les agents lui ont demandé de s'allonger sur le sol, face contre terre.
Ils ont dit à Matsapulina qu'elle était soupçonnée d'avoir envoyé une fausse alerte à la bombe par courriel à un poste de police. Mais lorsqu'elle a été emmenée au département des enquêtes du ministère de l'Intérieur, dit-elle, un policier lui a demandé si elle connaissait la véritable raison de son arrestation. Elle a deviné que c'était pour ses « activités politiques ». Il a acquiescé et a demandé : « Savez-vous comment nous avons su que vous étiez chez vous ? »
Elle raconte que l'officier lui a dit que les enquêteurs avaient suivi ses conversations privées sur Telegram au fur et à mesure qu'elle les écrivait. « Vous étiez là, assise, en train d'écrire à vos amis dans le forum de discussion », se souvient-elle qu'il a dit. Il a ensuite cité mot pour mot, sans passion, plusieurs messages Telegram qu'elle avait écrits depuis son lit. « Et donc », a-t-il dit, « nous savions que vous étiez là ».
Matsapulina est restée sans voix. Elle a essayé de cacher son choc, espérant en apprendre davantage sur la façon dont ils avaient accédé à ses messages. Mais l'officier n'a pas donné de détails. Lorsqu'elle a été libérée deux jours plus tard, Matsapulina a appris par son avocat que le matin de son arrestation, la police avait perquisitionné les domiciles de quelque 80 autres personnes ayant des liens avec l'opposition et en avait arrêté 20, les inculpant toutes de terrorisme lié à la prétendue alerte à la bombe.
Début 2022, le gouvernement russe annonce que la messagerie Telegram va être interdite en Russie suite au refus de son fondateur de délivrer les clés de chiffrement des utilisateurs aux autorités. La Russie devait donc certainement bloquer Telegram.
Le gouvernement russe, par la voix de son autorité de régulation des communications Roskomnadzor, avait sommé l'entreprise Telegram de lui fournir « toutes les clés de chiffrement » de ses utilisateurs russes. Il se dit que le patron de l'entreprise, Pavel Dourov l’avait refusé. Une demande d'interdiction de la messagerie Telegram sur tout le territoire avait ainsi été faite par la Roskomnadzor.
Aujourd’hui, la situation serait tout autre en Russie. Les militants anti-guerre russes ont fait confiance à Telegram. Cependant, l’entreprise aurait déshonoré la confiance placée en elle par ses utilisateurs russes. Le cas de Matsapulina n'est pas un cas isolé, mais il est particulièrement troublant. Au cours de l'année dernière, de nombreux dissidents à travers la Russie ont trouvé leurs comptes Telegram apparemment surveillés ou compromis.
Des centaines d'entre eux ont vu leur activité Telegram utilisée contre eux dans des affaires criminelles. Le plus inquiétant est peut-être que certains militants ont découvert que leurs « chats secrets » - la fonction de Telegram censée être inébranlable et chiffrée de bout en bout - se comportent étrangement, d'une manière qui suggère qu'un tiers indésirable pourrait suivre les messages. Ces cas ont déclenché un tourbillon de théories de conspiration, la paranoïa, et la spéculation parmi les dissidents, dont la confiance en Telegram s'est effondrée.
Dans de nombreux cas, il est impossible de dire ce qui se passe réellement sur les comptes des gens ; si Telegram coopère réellement avec Moscou, ou si la plateforme est si peu sûre qu'elle n'est que ce qu'elle semble être. Les Russes devraient envisager la possibilité que Telegram, l'application soi-disant antiautoritaire se conforme désormais aux demandes légales du Kremlin.
Lorsque Telegram est devenu l'un des derniers abris d'information et de discussion pour les Russes, il serait également devenu une sorte d'entonnoir pour les agents du Kremlin. Certains observateurs pensent que l'API de Telegram permet aux enquêteurs de surveiller les groupes publics à grande échelle, puis de cibler des suspects potentiels, qui peuvent ensuite être poursuivis dans des canaux privés par des agents infiltrés - ou peut-être par une ordonnance judiciaire adressée à Telegram.
Et vous ?
Quel est votre avis sur le sujet ?
Pensez-vous que les entreprises de messageries nous vendent le mensonge, au sujet de la sécurité ?
À votre avis, serait-il possible que des gouvernements soi-disant démocratiques se prêtent à une théorie de complot avec ces entreprises ?
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Le suivi des dissidents russes par le Kremlin via Telegram suggère que le chiffrement de l'application a été compromis
L'hypothèse d'une théorie de complot serait également évoquée
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L'hypothèse d'une théorie de complot serait également évoquée
Le , par Bruno
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